UNE EQUIPE de chercheurs japonais a réussi à disséquer la structure interne du virus influenza A. Cette prouesse se fonde non seulement sur l’utilisation de la microscopie électronique, mais surtout sur l’habileté des techniciens qui ont réussi à découper des virus en tranches d’à peine quelques nanomètres d’épaisseur. Leur travail méticuleux a permis de démontrer que le matériel génétique des virus est toujours très bien « rangé » : les molécules d’ARN viral sont systématiquement disposées de la même manière à l’intérieur des virions. La signification de ce phénomène reste, certes, encore à comprendre, mais il est bien possible que, en découvrant un moyen de casser le bel arrangement des molécules d’ARN viral, on aboutisse à une nouvelle stratégie de lutte contre le virus de la grippe.
Toutes les souches du virus influenza A, qu’elles soient sphériques ou filamenteuses, contiennent huit molécules d’ARN simple brin de longueurs variables (de 890 à 2 341 ribonucléotides). Ces molécules sont associées à diverses nucléoprotéines ainsi qu’à trois sous-unités de polymérases, les sous-unités PA, PB1 et PB2. Les complexes ribonucléoprotéiques (RNP) résultant au sein de ces arrangements peuvent être purifiés et observés par microscopie électronique. Il a ainsi pu être établi que les complexes RNP ont l’allure de baguettes torsadées et mesurent de 15 à 20 nm de diamètre et de 30 à 120 nm de long.
Il a également été démontré que ces structures sont formées dans le noyau des cellules infectées par le virus, puis sont transportées jusqu’à la membrane plasmique et incorporées dans les virons en formation.
Comment les complexes RNP sont-ils distribués ?
Dans l’ensemble, la biologie des virus influenza A est donc assez bien comprise. Cependant, le déroulement d’une étape importante du cycle viral restait jusqu’ici très discutée : comment les complexes RNP sont-ils distribués dans les virions ? L’intégration des segments ribonucléoprotéiques se fait-elle au hasard ou est-elle, au contraire, régulée et organisée selon un patron bien défini ?
Aujourd’hui, les travaux de Noda et coll. font sérieusement pencher la balance en faveur de la deuxième hypothèse. L’utilisation de la microscopie électronique a, en effet, permis aux chercheurs de disséquer la structure interne de virions de la souche H1N1 d’influenza A. L’observation de coupes transversales les plus distales des virions en cours de bourgeonnement montre toujours le même type d’images : sept points formant un cercle autour d’un huitième point central. Sur les coupes plus proximales, certains de ces points disparaissent.
Sept baguettes en cercle autour d’une huitième.
En recoupant ces informations, Noda et coll. ont pu conclure que les virions contiennent une série de sept baguettes réparties en cercle autour d’une huitième. Les baguettes mesurent environ 12 nm de diamètre et ont une longueur variable pouvant atteindre 130 nm. L’utilisation d’anticorps monoclonaux antinucléoprotéines a permis aux chercheurs de vérifier que ces « baguettes » sont bien les fameux complexes RNP qui portent l’information génétique virale. Ces données suggéraient fortement que les baguettes sont des RNP.
L’étude d’autres souches d’influenza A, y compris celle d’une souche filamenteuse, a donné des résultats très similaires : toutes les souches virales étudiées présentent la même structure interne caractérisée par une organisation très précise des complexes RNP.
Ce résultat est peut compatible avec l’hypothèse selon laquelle l’intégration des complexes RNP dans le virion est un processus aléatoire. En outre, une expérience de tomographie électronique a révélé que les complexes RPN établissent des contacts physique entre eux. Ces contacts sont-ils hasardeux ou ont-ils une fonction biologique ? C’est la prochaine question qu’il faudra résoudre.
Noda T et coll. « Nature » du 26 janvier 2006, pp. 490-492.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature