La séquence complète du génome de la levure Schizosaccharomyces pombe est maintenant connue. Le travail est publié dans « Nature ». Il est dû à la collaboration d'équipes belges, allemandes, françaises (CNRS génétique et développement, Rennes ; CNRS, Institut national agronomique, Paris-Grignon), américaines, danoises et russes, le tout sous coordination britannique - en l'occurrence Paul Nurse, prix Nobel de médecine 2001 pour ses recherches sur le cycle cellulaire de la même S. pombe. On mentionnera aussi l'Afrique, d'où vient la bière dont S. pombe a été isolée et qui lui a donné son nom.
Le génome de « l'autre levure », ainsi que l'appelle un éditorial de « Nature » (Jonathan A. Eisen, Rockville, Maryland), est le sixième génome eucaryote séquencé, après celui de « la » levure S. cerevisiae, du ver Caenorhabditis elegans, de la drosophile, de la plante commune Arabidopsis thaliana, enfin, de l' Homo sapiens (en fait, le génome de ce dernier n'est encore publié que sous la forme d'un premier jet).
Le génome de S. pombe, donc, contient 4 824 gènes, le nombre le plus faible enregistré à ce jour chez un eucaryote. L'identification systématique de ces gènes va commencer et, surtout, la comparaison avec d'autres génomes.
Impliquée dans la reproduction
La comparaison avec le génome de S. cerevisiae fait déjà apparaître des centaines de gènes différents entre les deux cousines ; gènes dont on peut supposer qu'une grande partie est impliquée dans la reproduction par bourgeonnement de S. cerevisiae et, par scissiparité, chez S. pombe.
Des comparaisons globales entre les six génomes eucaryotes connus et des génomes procaryotes (37 bactéries et 8 archéobactéries) ont été effectuées pour isoler des gènes spécifiques des eucaryotes. En utilisant des critères très stricts, 62 gènes ont été retrouvés systématiquement chez les eucaryotes et jamais chez les procaryotes. Ils pourraient intervenir, à côté d'autres gènes qui restent à identifier, dans des processus spécifiques des eucaryotes, comme la maturation des ARNm, le cycle cellulaire, l'élaboration d'un cytosquelette, etc.
Trois gènes délimitant les deux catégories
Enfin, très curieusement, la comparaison entre les deux levures unicellulaires et les quatre génomes d'organismes multicellulaires ne fait ressortir que trois gènes délimitant les deux catégories. On s'attendait évidemment à un nombre beaucoup plus élevé. L'éditorial avance trois explications. Premièrement, les gènes de la « multicellularité » sont apparus indépendamment chez les plantes et les animaux : les organismes comparés comportant des représentants des deux règnes, il est normal que le recoupement soit limité. Deuxièmement, la période d'évolution correspondant à la « multicellularité » étant beaucoup plus courte que l'évolution séparant les procaryotes des premières cellules eucaryotes, le nombre des gènes spécifiques des organismes sera de toute façon plus réduit que le nombre de gènes spécifiques des eucaryotes par rapport aux procaryotes. Troisièmement - et conséquemment -, l'évolution vers l'organisation multicellulaire reposerait de manière marginale sur l'apparition de nouveaux gènes et beaucoup plus sur l'évolution de gènes déjà présents dans les eucaryotes unicellulaires.
Quelle que soit l'explication, la proximité génétique des eucaryotes uni- et multicellulaires est une surprise et, au demeurant, une bonne surprise dans la perspective de l'utilisation de levures comme modèles. On note à ce propos que 50 gènes ont déjà été identifiés dans S. pombe comme analogues à des gènes humains impliqués dans des pathologies, cancéreuses dans la moitié des cas.
W. Wood et coll. « Nature », vol. 415, 21 février 2002.
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