LA PRISE en charge des patients souffrant d'infarctus avec élévation du segment ST reste limitée à l'heure actuelle à deux options en urgence : soit l'angiographie avec anglioplastie et pose de stent, soit la fibrinolyse. L'idée de pratiquer une angioplastie rapidement après la réalisation d'une fibrinolyse a émergé depuis quelques années mais, jusqu'à présent, les sociétés savantes de cardiologie l'avaient toujours déconseillée. « Néanmoins, avec la mise sur le marché de nouveaux antithrombotiques et d'antiagrégants plaquettaires de nouvelle génération et en raison des progrès effectués en cardiologie interventionelle (nouveaux stents, amélioration des techniques), il était important de préciser, grâce à une étude en double aveugle, que l'association de la fibrinolyse et de l'angioplastie est maintenant possible », explique le Dr Francisco Fernandez-Avilez (Valladolid, Espagne), investigateur principal de l'étude Gracia-1.
Thrombolyse dans les 6 heures.
C'est dans cet objectif que 500 patients atteints d'infarctus du myocarde avec élévation du segment ST et ayant bénéficié dans les 6 heures suivant le début de la douleur d'une thrombolyse (38 % au cours des deux premières heures et 55 % entre la 2e et la 6e heure) ont été inclus dans l'essai mis en place sur le territoire espagnol. Après tirage au sort, 248 sujets ont bénéficié d'une stratégie invasive : angiographie dans les 24 heures suivant le début des signes cliniques et, lorsque les lésions pouvaient être traitées par angioplastie, mise en place d'un stent.
Les 252 autres malades ont bénéficié d'un traitement conservateur et l'angiographie n'a été pratiquée qu'à distance de l'événement initial. Les patients étaient âgés en moyenne de 61 ans, il s'agissait majoritairement d'hommes (80 %), et dans près de la moitié des cas, l'ECG montrait l'existence d'un infarctus antérieur.
La thrombolyse initiale a été effectuée en utilisant du rt-PA et ce traitement a été suivi d'une héparinothérapie à la seringue automatique. Pour les 248 patients du groupe invasif, l'angioplastie a été effectuée en moyenne 19,4 heures après le début des signes cliniques, soit 16,7 heures après l'admission à l'hôpital. L'examen a montré des lésions pluritronculaires chez 35 % des sujets, et une lésion unique chez 6 sujets sur 10. Une angioplastie avec pose de stent a été réalisée chez 199 personnes du groupe invasif. Le geste a été réalisé après arrêt du traitement par héparine et les cardiologues étaient libres d'y adjoindre un traitement par anti GP IIIb/IIIa.
Incidence des décès abaissée.
Les investigateurs ont analysé le pronostic à un an des patients des deux groupes. L'incidence des décès a été abaissée dans le groupe invasif par rapport au groupe conservateur (4 % contre 6 %). Face au critère combinant décès, nouvel infarctus et revascularisation en urgence, l'intérêt du traitement invasif a été net : il a permis de diminuer de 56 % l'incidence de ces événements.
Dans un éditorial, le Dr Freek Verheugt (Hollande) explique que « cette nouvelle donnée devrait inciter à une remise en question du fonctionnement des services d'urgence cardiologiques. Il est en effet maintenant concevable que les plateaux techniques ne soient plus accessibles 24 heures sur 24, dans la mesure où les gestes de reperfusion d'urgence peuvent être différés de quelques heures grâce à la réalisation d'une fibrinolyse ».
Néanmoins, pour le Dr Frédéric Lapostolle, cardiologue au Samu 93, « le traitement par fibrinolyse reste inefficace chez 40 % des patients environ et, dans ces conditions, il sera toujours nécessaire de disposer de services pratiquant l'anglioplastie en urgence à toute heure du jour et de la nuit ».
« The Lancet », vol. 364, pp. 1014-1015 et 1045-1051, 18 septembre 2004.
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