LE PROJET DE RÉFORME des institutions de la Ve République pourrait déboucher sur un changement radical dans l'élaboration du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), adopté chaque année par le Parlement depuis le plan Juppé. Cette réforme constitutionnelle, examinée par les députés depuis hier soir et jusqu'au 27 mai, pourrait en effet être amendée afin d'interdire dès 2010 (PLFSS pour 2011) la présentation et le vote de tout budget de la Sécu en déficit dans son cadre pluriannuel (équilibre apprécié sur la période des trois années suivantes). Un amendement a été déposé lundi en ce sens par les députés Charles de Courson, Jean-Christophe Lagarde (Nouveau Centre), Gilles Carrez, Étienne Blanc, Yves Bur et Frédéric Lefebvre (UMP). Un autre amendement (fruit d'un compromis entre élus UMP, Nouveau Centre et radicaux) consiste à inscrire de même dans la Constitution l'obligation de voter des lois de programmation pluriannuelles des finances publiques en équilibre.
Signaux à l'Europe.
Tout comme la révision générale des politiques publiques (RGPP), les deux amendements visent à favoriser la résorption des déficits publics en 2012. À court terme, ces résolutions – inspirées par le Nouveau Centre qui y voit «une règle d'or» – pourraient aussi servir à envoyer des signaux à la Commission européenne, à l'heure où la France fait figure de mauvaise élève, compte tenu de l'accumulation de sa dette publique.
Si elle était adoptée définitivement, la nouvelle contrainte du « zéro déficit » constituerait en tout cas une vraie rupture pour la Sécurité sociale alors que les gouvernements successifs ont soumis au Parlement un PLFSS constamment dans le rouge depuis 2002 (en 2007, le trou du régime général était de – 9,5 milliards d'euros, toutes branches confondues).
Si elle devenait constitutionnelle, cette mesure irait donc beaucoup plus loin que les garde-fous mis en place ces dernières années en vue de limiter les dérives des comptes de la Sécu. L'objectif annuel de dépenses pour la branche maladie (ONDAM, voté tous les ans par le Parlement et systématiquement rebasé) s'est révélé assez vain puisqu'il a été très rarement respecté dans le passé. En revanche, le comité d'alerte créé en 2004 permet d'intervenir en cours d'année en cas de dérapage des dépenses maladie (si l'ONDAM est dépassé d'au moins 0,75 %).
Par ailleurs, la loi organique du 2 août 2005 a instauré un cadrage pluriannuel au PLFSS et proscrit les reports des déficits sociaux sur la caisse d'amortissement de la dette sociale (CaADES, créée en 1996), à moins qu'ils ne soient accompagnés «d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement».Il reste que le dispositif, qui devait être discuté hier en commission des lois à l'Assemblée nationale, est en suspens à double titre. D'une part, « la règle d'or » qui consiste à n'élaborer et à ne voter que des lois de programmation budgétaires en équilibre ne plaît pas à tout le monde. Concession récente du gouvernement au Nouveau Centre, le dispositif a été critiqué d'emblée par les élus socialistes.
Le Premier secrétaire du PS, François Hollande, a fait valoir qu'en cas de récession, le recours au déficit constituait «un atout pour la politique de relance de l'activité». Acontrario, le président du MODEM, François Bayrou, estime que la contrainte constitutionnelle du zéro déficit «sur plusieurs années» (et non annuel) n'est pas assez forte et représente une simple «ruse».
Au-delà de ce sujet de discorde, c'est l'adoption de l'ensemble de la réforme des institutions qui n'est pas acquise. Dès lors que le texte modifie la Constitution, il doit impérativement recueillir au moins trois cinquièmes des votes exprimés par tous les parlementaires (députés et sénateurs) réunis en congrès à Versailles. D'où la nécessité pour le gouvernement d'aboutir à des compromis substantiels avec les élus socialistes. Ainsi, avant de pouvoir graver l'équilibre des comptes dans le marbre constitutionnel, il faudra d'abord parvenir à un autre équilibre, politique celui-là.
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