AU NOM DE QUOI interdirait-on des manifestations qui défendent, officiellement, la liberté religieuse ? Elles ont donc eu lieu. Elles n'en seront pas moins lourdes de conséquences.
Le PMF est en effet un mouvement intégriste. Il tente d'accroître sa représentativité et de rallier à lui le plus grand nombre de musulmans français. Bien que le président du Conseil français du culte musulman (Cfcm), le Dr Dalil Boubakeur, ait formellement déconseillé à ses coreligionnaires de participer aux manifestations, l'Union des organisations islamiques de France (Uoif) a rejoint le PMF, tout en demandant aux participants de « manifester dans le calme ».
Une manche perdue.
L'Uoif occupe la majorité au sein du Cfcm, créé avec le soutien du ministre de l'Intérieur et dont le président, qui incarne l'islam républicain en France, ne pourra plus, dans quelque temps, exercer au sein de sa communauté son influence modérée. Il vient de perdre une manche.
Malgré la renommée de quelques beurs, souvent laïcs jusqu'au bout des ongles, comme Rachid Kaci et Malek Boutih, sans compter de remarquables intellectuels auxquels on ne reprochera que leur discrétion, ce sont les intégristes qui occupent le haut du pavé et monopolisent les médias. Ce sont eux qui ont demandé à de jeunes musulmanes d'affirmer avec vigueur la vénération des signes de leur propre sujétion ; ce sont eux qui refusent l'intégration et tentent de modeler non seulement leur communauté mais toute la société française selon leurs critères ; ce sont leurs agissements qui ont conduit les pouvoirs publics à donner un coup d'arrêt législatif à un fichu transformé en étendard de bataille.
Un stratagème.
Même Tariq Ramadan, prince de l'ambiguïté, qui a pourtant discerné très vite le danger d'un affrontement avec la laïcité, a condamné la manifestation. Il en va de l'intégrisme comme du communisme : une fois qu'il est installé, il devient très difficile de s'en débarrasser. La revendication de la liberté religieuse, que bon nombre de nos concitoyens entendent avec embarras, n'est ici qu'un stratagème pour supprimer ultérieurement d'autres libertés, notamment celles dont bénéficie la femme musulmane en France.
Comme partout ailleurs, le danger, c'est la crispation ou l'enlisement. La loi doit passer, comme elle est passée dans les domaines fiscal et social.
LES INTEGRISTES S'APPUIENT SUR LE DROIT FRANCAIS POUR LE BAFOUER
Certes, elle sera difficile à appliquer ; d'autant que n'a pas été résolue la question sémantique qui, par son imprécision, ouvre la voie à diverses interprétations, comme le font remarquer les enseignants chargés d'appliquer le texte.
Lequel n'empêchera ni les nouvelles provocations auxquelles se livreront les intégristes avec délice, ni peut-être le port du voile ou de toute autre pièce d'étoffe à l'école.
Mais il empêchera que les fondamentalistes s'appuient sur le droit français pour le bafouer ; il éclaircira le débat : d'un côté, les beurettes les plus modérées ou, disons, les moins convaincues, se résigneront à abandonner le voile, avec la bénédiction du recteur de la mosquée de Paris ; d'un autre, les manipulations de personnes, très fréquentes aujourd'hui, pourront être sanctionnées.
Nous ne sommes pas intolérants.
La loi permettra de débusquer les intégristes qui se livrent à un assaut contre la république laïque en envoyant des jeunes filles en première ligne.
Mais nous n'atteindrons pas de tels résultats si nous manquons de fermeté. Il ne faut surtout pas croire ce que les intégristes nous disent, à savoir qu'au nom de la laïcité nous sombrons dans l'intolérance. Bien entendu, c'est le contraire : ils ne se servent de nos libertés que pour installer l'obscurantisme. Ils imposent des règles qui n'ont même pas cours dans le Maghreb et ils en sont, comme ce champion mondial de judo, à prétendre que la France persécute ses musulmans. Ce n'est pas vrai. S'il y a du racisme en France, il y a aussi un immense respect pour les différences. Si des musulmans sont encore tous les jours victimes de brimades, ils ne le sont pas plus que d'autres minorités, les Africains, par exemple, qui n'ont pas pour autant crié « Vive Ben Laden ! », ne se sont pas inspirés de l'intifada, n'ont pas rejoint le racisme avec le zèle des fondamentalistes.
Si les promoteurs du port du voile sont sincères et se contentent de défendre une liberté, qu'ils se dressent contre les centaines d'actes et agressions racistes que certains d'entre eux ont commis depuis trois ans ; qu'ils dénoncent les autres atteintes aux libertés ; qu'ils admettent que la terreur, la violence, la haine sont aux antipodes des valeurs qui fondent la société française. Non seulement ils se gardent bien de le faire, mais ils empêchent, par l'intimidation, une majorité de musulmans de se prononcer publiquement en faveur de la laïcité, de leur intégration et de leur volonté de partager avec les autres Français quelques inaliénables libertés.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature