LE Pr JÉRÔME LEJEUNE, père de la génétique moderne, mort et enterré ? Pas si sûr, tant la fondation qui porte son nom oeuvre dans le sens qu’il a indiqué, celui de la préservation de la vie. Aux polémiques sur la recherche sur l’embryon et le diagnostic préimplantatoire, la fondation Jérôme-Lejeune préfère d’autres perspectives, exposées pendant ses Journées cliniques, hier et aujourd’hui à Paris.
« Une prise en charge adaptée transforme la qualité de vie du patient. On peut faire mieux que des soins de suite et développer des solutions thérapeutiques en réunissant autour du patient des chercheurs et des praticiens venus de divers horizons. Des choses simples, mais qui ne viennent pas à l’esprit, comme un appareillage auditif pour les sujets malentendants, peuvent limiter le surhandicap », explique Sylvie de Kermadec, directrice de l’institut Jérôme-Lejeune, le centre pluridisciplinaire qui suit actuellement 3 800 patients de tous âges.
En France, on dénombre quelque 800 000 personnes atteintes d’une déficience intellectuelle, 50 000 rien que pour la trisomie 21, l’une des plus répandues. Mais, si un enfant sur six cents naît trisomique, cette pathologie reste « une maladie orpheline dans le milieu de la recherche ». Déjà, en 2003, la Cour des comptes, dans son rapport « La vie avec un handicap », soulignait l’absence de politique publique de recherche sur les maladies génétiques de l’intelligence. Ce rôle incombe, de fait, à la fondation Lejeune, premier bailleur de fonds grâce à ses donateurs : en 2005, elle finançait cent programmes de recherche avec une somme de 2 millions d’euros. Un budget restreint, mais qui permet tout de même une approche originale de ces maladies.
Contrairement à ce que l’on peut croire, « les trisomiques sont conscients de leur déficit, qu’ils vivent très mal », insiste Henri Bléhaut, directeur de recherche de la fondation. L’intégration est donc une priorité. Si Air France a récemment contacté la fondation Jérôme-Lejeune pour s’enquérir du meilleur transport possible des handicapés sur ses vols, cette précaution est encore trop rare. Ainsi, la loi du 11 février 2005 rend obligatoire la scolarisation des enfants handicapés dans la ville la plus proche, mettant des équipes professorales déboussolées devant le fait accompli. « Faute de formation et d’auxiliaires scolaires en nombre, les écoles ne sont pas prêtes à recevoir des handicapés mentaux », constate S. de Kermadec.
A cette difficulté, s’ajoutent les trajets des handicapés de leurs institutions, souvent éloignées des villes, vers les consultations médicales. Un souci logistique en plus : chaque handicapé doit être nécessairement accompagné par un référent, interprète entre le patient et le médecin, qui manquera au bon fonctionnement de l’institution.
Une nécessité, pourtant. « Les trisomiques 21 sont plus vulnérables aux troubles de l’anxiété via des troubles physiques associés, prévient Marc Tassé, psychologue et psychiatre (université de Caroline du Nord). L’interprétation de la douleur est très abstraite pour des handicapés mentaux, mais ce n’est pas parce qu’ils ne s’en plaignent pas qu’ils ne la ressentent pas. » La déficience mentale est souvent accompagnée d’atteintes neurologiques qui peuvent entraîner des souffrances supplémentaires. De plus, ils rencontrent des difficultés pour indiquer la nature et la localisation de leur douleur. H. Bléhaut rapporte l’exemple d’une patiente trisomique d’une trentaine d’années dont le comportement affable s’était transformé, devenant agressif et irritable suite à un abcès dentaire. Des solutions pratiques. Des problèmes insolubles ? Soucieux de faire bouger les choses, la fondation propose des solutions pratiques permettant un meilleur accompagnement des handicapés. Soit d’investir les Iufm (instituts universitaires de formation des maîtres) pour former les futurs maîtres d’école à l’éducation des handicapés, quitte à en faire un métier à part entière, et, pour éviter les déplacements difficiles, de réaliser les consultations dans les institutions mêmes ou de développer les visioconférences, ce qui se fait déjà pour le cancer. La mobilité de la fondation Jérôme-Lejeune comme réponse. Reste à pousser les responsables politiques dans ce sens.
> NICOLAS BAUCHE
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