DE NOTRE CORRESPONDANTE
«CETTE ÉTUDE est importante, non seulement pour ses implications thérapeutiques et le développement de futurs traitements pour la toxicomanie, mais aussi du point de vue de la science fondamentale car elle procure de nouveaux éclaircissements sur la fonction du cortex insulaire», souligne Peter Stern, un rédacteur en chef de la revue « Science » qui publie l'étude.
Un facteur important qui contribue à la recherche de drogue chez le toxicomane est l'état affectif négatif provoqué par l'abstinence, dont les symptômes – anxiété, irritabilité et tristesse – sont communs à toutes les drogues.
Une récente étude (« Science » du 26 janvier 2007) a révélé que des patients victimes d'un accident vasculaire cérébrale endommageant le cortex insulaire (ou l'insula) peuvent s'arrêter de fumer instantanément après l'accident, car ils ne ressentent plus l'envie de fumer (lire « le Quotidien » du 26 janvier 2007).
L'insula est une aire corticale nichée au fond de la scissure de Sylvius* qui fait partie du système sensoriel intéroceptif (ou viscéroceptif) ; elle surveille probablement la perception consciente de l'état physiologique de l'organisme et distribue cette information aux régions corticales impliquées dans la prise de décision.
Une équipe de chercheurs, Contreras et coll. (université catholique pontificale du Chili à Santiago), a testé l'hypothèse que l'information intéroceptive, traitée par l'insula, joue un rôle essentiel dans le besoin impérieux de drogues et dans les signes comportementaux de malaise.
Des rats accoutumés aux amphétamines.
Pour cela, ils ont inactivé temporairement le cortex insulaire chez des rats accoutumés aux amphétamines (inactivation par injection d'un inhibiteur du canal sodium). Ils ont découvert que, après inactivation de l'insula, les rats ne recherchent plus les amphétamines et retrouvent un comportement normal : dans un dispositif expérimental à deux compartiments, ces rats préfèrent aller vers le compartiment sombre – ce qui représente leur préférence innée normale – plutôt que vers le compartiment clair associé à l'administration d'amphétamines. Lorsque l'inactivation cesse, les rats recherchent de nouveau les amphétamines.
«Le fait que l'inactivation de l'insula prévient le besoin impérieux d'amphétamines chez des rats accoutumés à ces produits indique que cette région du cerveau traite l'information concernant les états physiologiques de l'organisme et pourrait guider le comportement», déclare dans un communiqué le Dr Fernando Torrealba, qui a dirigé ce travail.
Les symptômes intéroceptifs pénibles.
Dans une seconde expérience, les chercheurs ont inactivé l'insula chez des rats normaux juste avant l'administration du lithium (injecté par voie intrapéritonéale), un produit connu pour provoquer un malaise. Ces rats ne montrent aucun signe de malaise et paraissent se comporter normalement, alors que les rats dont l'insula n'est pas inactivée montrent des signes de malaise (couchés sur le ventre).
«Nos résultats suggèrent que la modulation de l'activité de l'insula, en utilisant des approches non invasives, devrait être envisagée comme une cible thérapeutique pour soulager le besoin impérieux de drogues et, de façon plus générale, pour atténuer les symptômes intéroceptifs pénibles non liés au besoin impérieux de drogues», concluent les chercheurs.
Contreras et coll. « Science », 26 octobre 2007, p. 655.
* L'insula est enfouie sous la scissure latérale, entre le lobe frontal et le lobe temporal ; elle reçoit l'information des voies sensorielles afférentes homéostasiques (via le thalamus) et envoie à son tour des informations à un certain nombre de structures limbiques (amygdale, striatum ventral, cortex orbito-frontal).
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