Diabète
ENTRE 30 et 40 % des patient atteints, respectivement, de diabète de type 1 et de type 2 développent des complications rénales. Cette différence indique que, à qualité de suivi et à désordres glycémiques égaux, des facteurs autres que l'hyperglycémie interviennent dans la prévalence des atteintes rénales chez les diabétiques. Des facteurs génétiques, liés en particulier aux médiateurs du système cardio-vasculaire parmi lesquels la capacité de production de l'angiotensine II au niveau rénal, sont sûrement impliqués dans la genèse de ces complications. L'étude Ukpds (United Kingdom Prospective Diabetes Study) a fourni des informations intéressantes à cet égard. Menée sur près de 4 000 diabétiques de type 2 suivis pendant une durée moyenne de dix ans, elle a montré qu'une amélioration du contrôle glycémique, avec une diminution de 1 % de l'Hb glyquée par rapport au résultat du traitement hypoglycémiant conventionnel, entraîne une réduction de 25 à 30 % du risque de complications rénales. Des résultats identiques sont obtenus avec un contrôle strict de la pression artérielle : chez les diabétiques hypertendus, une diminution de 10 mmHg de la pression artérielle systolique s'accompagne également d'un recul significatif de ces complications. Aujourd'hui, on évoque l'hypothèse vraisemblable d'une convergence entre ces deux phénomènes pressionnels et métaboliques.
L'évolution de la néphropathie diabétique revisitée.
Des données récentes ont également fait évoluer les connaissances sur l'histoire naturelle de la néphropathie diabétique, classiquement décrite comme ayant une évolution stéréotypée, en particulier dans le diabète de type 2. Cette évolution débute par l'apparition d'une microalbuminurie entre 30 et 300 mg/24 heures (ou 20-200 mg/l) dans un délai de sept à dix ans après le diagnostic de la maladie, suivie par une protéinurie, avec des chiffres qui vont rapidement dépasser 500 mg/l, puis une hypertension artérielle et, enfin, une insuffisance rénale caractérisée par une augmentation de la créatinine plasmatique et une diminution de la clairance glomérulaire. Ce schéma conventionnel, connu depuis une vingtaine d'années, est actuellement remis en question. Il a, en effet, été observé, d'une part, que certains patients diabétiques, surtout de type 2, décompensent dès le diagnostic du diabète leur excrétion urinaire d'albumine et leur niveau de pression artérielle, et, d'autre part, que dans certains cas, ces anomalies peuvent se négativer sous un traitement antihypertenseur intensif.
Histologie.
Sur le plan histopathologique, en revanche, les données décrites restent d'actualité. Dans le diabète de type 1, il existe une microangiopathie rénale caractérisée par une atteinte des artérioles préglomérulaires et des anses glomérulaires, associée à un épaississement des membranes basales qui sont le lieu de passage de l'albumine. L'espace mésangial - tissu de soutien du glomérule - est le siège de dépôts de protéines et de collagène. Les lésions caractéristiques de glomérulosclérose nodulaire, dites de Klimmestiel-Wilson, peuvent cependant être notées dans d'autres pathologies de dépôts beaucoup plus rares. Dans le diabète de type 2, du fait de l'existence d'une pathologie vasculaire associée - athérome et HTA -, des lésions histologiques ischémiques se surajoutent aux dépôts de protéines glyquées le long des artérioles.
La formule de Cockcroft.
En pratique quotidienne, pour évaluer la fonction rénale du diabétique, on recommande de calculer la clairance de la créatinine selon la formule de Cockcroft. Une formule qui, rappelons-le, prend en compte quatre paramètres, en l'occurrence le sexe, l'âge, le poids et le taux de créatinine plasmatique. La clairance est le résultat, exprimé en ml/min, du rapport 140-âge en années x poids en kg/créatininémie en micromol/l, multiplié par 1,23 pour les hommes et 1 pour les femmes. Une clairance entre 100 et 120 ml/min correspond à une fonction rénale normale avant l'âge de 40 ans. Si la clairance plus est basse, le patient présente une insuffisance rénale chronique (IRC). On définit les maladies rénales chroniques comme > 90 ml/min ; on parle d'IRC modérée entre 60 et 90 ml/min, d'IRC sévère entre 30 et 60 ml/min, décompensée entre 15 et 30 ml/min, et terminale si la clairance est < 15 ml/min, qu'il y ait ou non initiation d'une suppléance. Pour le patient, il est beaucoup plus parlant d'évoquer les résultats en pourcentage qu'en débit. Par exemple, à 40 ml/min, on considère que la fonction rénale résiduelle est de 40 %.
A l'heure actuelle, on sait que lorsque la clairance de la créatinine se situe dans l'intervalle 90-60 ml/min, toutes les évolutions sont possibles, qu'il s'agisse d'une stabilisation, d'une régression ou d'une aggravation de la néphropathie. En revanche, quand elle est inférieure à 60 ml/min, l'évolutivité est très probable. Le contrôle tensionnel garde néanmoins un intérêt, car il ralentit la progression et protège les autres organes cibles, donc le risque cardio-vasculaire absolu élevé de cette population.
D'après un entretien avec le Pr Philippe Zaoui, département urologie-néphrologie-endocrinologie, CHU de Grenoble.
Microalbuminurie : de multiples risques
La microalbuminurie est un prédicteur :
- de l'atteinte rénale du diabète de type 1 ;
- du risque cardio-vasculaire et rénal du diabète de type 2 ;
- de la microangiopathie (rétine) ;
- de l'atteinte glomérulaire ultrastructurale ;
- de la dysfonction ventriculaire gauche ;
- de la dysfonction endothéliale généralisée ;
- de la dyslipidémie ;
- de l'élévation de la pression artérielle (nocturne) ;
- de l'insulinorésistance ;
- associé à une élévation de la prorénine, à une petite taille et au tabagisme.
Trois messages
La conduite à tenir face à un diabétique suivi en ville peut se résumer en trois points :
- dépister les complications rénales par la recherche annuelle, voire biannuelle, d'une microalbuminurie ;
- y associer une évaluation de la clairance glomérulaire par la formule de Cockcroft ;
- agir par l'introduction d'un blocage efficace du système rénine-angiotensine, qui permet de diminuer significativement la protéinurie. Une diminution de l'excrétion urinaire d'albumine supérieure à 50 % des valeurs basales signe l'efficacité de ce traitement.
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