«CETTE ÉTUDE souligne le fait que le coeur possède une capacité à se régénérer, ce qui devrait encourager des efforts supplémentaires dans ce domaine», déclare au « Quotidien » le principal investigateur de ce travail, sir Magdi Yacoub, professeur de chirurgie cardio-thoracique à l’Imperial Collège de Londres.
L’évolution de l’insuffisance cardiaque sous traitement se fait généralement vers l’insuffisance cardiaque terminale réfractaire (stade D). L’espérance de vie pour ces patients au stade D est courte, avec un taux de survie à un et deux ans de moins de 50 %. Des stratégies de fin de vie, la transplantation ou le soutien avec un dispositif d’assistance ventriculaire gauche sont alors requis. Une rétrocession spontanée de l’insuffisance cardiaque de stade D est inhabituelle. Cependant, des rapports anecdotiques ont indiqué que des interventions mécaniques ou pharmacologiques peuvent parfois modifier la progression, ce qui laisse penser que l’insuffisance cardiaque de stade D n’est pas toujours un point de non-retour.
L’équipe du Pr Magdi Yacoub publie, dans le « New England Journal of Medicine », une petite étude prospective dont le mérite est d’apporter des données qui vont au-delà des anecdotes en matière de récupération d’une insuffisance cardiaque terminale.
Ils montrent de façon convaincante qu’un soutien avec un dispositif d’assistance ventriculaire gauche peut servir de plate-forme pour administrer des traitements pharmacologiques modifiant la maladie. De précédentes études chez les patients en insuffisance cardiaque sévère avaient indiqué que la prise en charge prolongée du travail cardiaque par un dispositif d’assistance ventriculaire gauche (une pompe mécanique) est associée à un remodelage structurel inverse qui peut s’accompagner d’une amélioration fonctionnelle. Toutefois, une récupération suffisante pour autoriser le retrait de la pompe n’avait été observée que chez 5 à 24 % des patients dans diverses séries et les récurrences précoces étaient fréquentes.
Absence de récidive au bout de quatre ans.
Birks, Yacoub et coll. ont donc joint à l’implantation du dispositif d’assistance ventriculaire gauche (pompe Thoratec) un cocktail de médicaments connus pour favoriser le remodelage inverse : inhibiteurs de l’enzyme de conversion, inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine, bêtabloquants non sélectifs et antagonistes de l’aldostérone (soit lisinopril, losartan, carvedilol et spironolactone). Une fois l’élargissement du ventricule gauche obtenu, le bêtabloquant non sélectif était remplacé par un bêta 1-bloquant sélectif couplé à un agoniste-bêta 2 sélectif (clenbuterol), de façon à essayer de prévenir l’atrophie myocardique.
Les chercheurs ont enrôlé, à l’hôpital de Harefield, quinze patients souffrant d’insuffisance cardiaque sévère, due à une cardiomyopathie non ischémique et sans signe histologique de myocardite active. Après une moyenne de 320 jours d’assistance ventriculaire gauche, onze des quinze patients (73 %) ont obtenu une récupération myocardique suffisante pour autoriser le retrait de la pompe. Parmi ces onze personnes, un patient est décédé d’une arythmie vingt-quatre heures après le retrait de la pompe et un autre patient est mort d’un cancer du poumon deux ans plus tard. Parmi les neuf patients survivants, l’amélioration (absence de récidive d’insuffisance cardiaque) persiste un an après chez 100 % d’entre eux, et quatre ans après chez 89 % d’entre eux. Enfin, leur qualité de vie, trois ans après, est quasi normale (selon le Minnesota Living with Heart Failure Questionnaire).
«Nous sommes impressionnés par l’amélioration spectaculaire et prolongée de l’état clinique, hémodynamique et cardiaque de ces patients sévèrement malades qui ne pouvaient attendre la transplantation», déclare au « Quotidien » le Pr Magdi Yacoub. «L’amélioration observée est supérieure à ce qui a été rapporté à ce jour pour les traitements pharmacologiques chez des patients insuffisants cardiaques atteints de formes sévères mais moins avancées. »
Mais les investigateurs admettent les limites de leur étude : petit nombre de patients, absence d’un groupe témoin et un protocole qui n’a pas permis d’évaluer le rôle spécifique de chaque médicament. Des questions qui devront être abordées dans de futures études.
Cardiomyopathie dilatée non ischémique.
«Nous pensons que cette étude pourrait avoir des répercussions pour le traitement des patients atteints de cardiomyopathie dilatée non ischémique, qui sont en nombre croissant. En outre, cette stratégie pourrait être explorée dans le groupe plus large des patients atteints de cardiomyopathie ischémique», confie le Pr Yacoub.
«La prochaine étape est de participer à un essai multicentrique plus grand (étude HARP, Harefield Recovery Protocol Study) qui devrait commencer bientôt de part et d’autre de l’Atlantique. Des études mécanistiques se poursuivent aussi dans nos laboratoires. »
« New England Journal of Medicine », 2 novembre 2006, pp. 1873 et 1922.
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