L'INSUFFISANCE cardiaque (IC) est une maladie grave qui affecte 14 millions d'Européens. En France, on évalue à 500 000 le nombre de personnes affectées par cette pathologie, responsable de 32 000 décès par an dans l'Hexagone, plus que les décès liés au cancer du sein, du côlon et de la prostate réunis. En 2020, le nombre de cas pourrait avoir doublé.
L'insuffisance cardiaque est la première cause de mortalité cardio-vasculaire et la première cause d'hospitalisation chez les personnes de plus de 65 ans. La mortalité est particulièrement élevée dans les semaines suivant le diagnostic et près de 40 % des patients insuffisants cardiaques décèdent dans l'année suivant la première hospitalisation, 60 % dans les cinq ans. La maladie représente de 1 à 2 % des dépenses de santé.
Face à ces chiffres alarmants, une vaste enquête, l'étude du groupe Shape*, réalisée à l'échelle européenne auprès de 15 000 personnes, a évalué la compréhension, la perception par le grand public et les professionnels de santé de l'IC en France et en Europe, ainsi que les modalités de la prise en charge.
Dans le grand public, 86 % des Européens interrogés ne connaissent pas l'insuffisance cardiaque et 85 % des Français considèrent, à tort, que les chances de survie d'un insuffisant cardiaque sont supérieures à celles d'un malade infecté par le VIH. Trois pour cent seulement sont capables d'identifier correctement les signes et les symptômes de la maladie. La gravité et la fréquence de l'IC sont sous-estimées ; puisque 67 % des Européens et 74 % des Français pensent de façon erronée que les patients insuffisants cardiaques vivent plus longtemps que les patients atteints de cancer. Vingt-quatre pour cent des Européens estiment que l'IC est une maladie bénigne alors que celle-ci est la première cause de mortalité cardio-vasculaire en France et en Europe. Seulement 43 % des personnes interrogées savent que l'IC est plus fréquente que le cancer. Enfin, 34 % considèrent que l'IC est une conséquence naturelle du vieillissement, ce qui est encore une erreur.
Les connaissances sont aussi insuffisantes quant à la thérapeutique : 30 % des personnes interrogées pensent faussement que les médicaments actuels ne permettent pas de prévenir le développement d'une IC et 35 % estiment que celle-ci ne peut être traitée par des médicaments. Soixante-deux pour cent des Européens considèrent à tort que la maladie ne peut être traitée que par la pose d'un stimulateur cardiaque. Alors que la pratique d'une activité physique régulière, le maintien d'une alimentation saine et équilibrée et l'arrêt du tabac contribuent à la prévention de l'IC, 71 % des Français et 61 % des Européens pensent que les insuffisants cardiaques doivent mener une vie calme sans aucun effort.
Les recommandations thérapeutiques ignorées.
Même les médecins (292 ont été interrogés en France) ont une connaissance insuffisante de cette pathologie : seulement 18 % répondent correctement sur la prévalence de la maladie, qui est de 2 % et non pas de 0,2 % comme 43 % d'entre eux le pensent. Près de 40 % des médecins européens ne savent pas que le taux de survie des malades est inférieur à celui des personnes atteintes de cancers. Pour le diagnostic, 61 % des médecins se fondent sur les seuls signes cliniques, qui sont correctement identifiés par tous, « alors que l'échocardiographie devrait être systématique », comme le précise le Pr Alain Cohen-Solal (hôpital Beaujon, Paris). Seulement 35 % des médecins européens et français déclarent entreprendre les examens préconisés par les recommandations européennes (dosage des marqueurs sériques). Vis-à-vis des médicaments, une surprise, 88 % des médecins français estiment que les bêtabloquants sont susceptibles d'aggraver la maladie, une idée fausse. Et parmi les médecins européens, ils ne sont que 5 % à suivre les recommandations européennes préconisant l'emploi des trithérapies (IEC + bêtabloquants + diurétiques). D'autre part, les médicaments ne sont pas administrés à la dose optimale (sous-dosés).
En France, actuellement, la recherche clinique cardio-vasculaire ne figure plus dans les priorités du programme hospitalier de recherches cliniques, pourtant l'IC est une question de santé publique préoccupante « qui doit mobiliser et intégrer tous les acteurs du système de soins, notamment les médecins généralistes, pour que des milliers de malades puissent vivre mieux et plus longtemps », souligne le Pr Faïez Zannad (Nancy).
A l'initiative de Shape, plusieurs actions sont en cours. Une première campagne d'information et de sensibilisation sur l'IC est lancée en France, en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni, avec l'édition par les différents sponsors de l'étude, de brochures destinées aux médecins. Un site Internet** destiné à fournir au patient des données essentielles sur l'IC a été mis en place. Est lancée également la charte Shape du patient, appel aux autorités et aux professionnels de santé, au grand public pour que les insuffisants cardiaques puissent avoir accès au traitement préconisé dans les recommandations européennes.
* Shape (Study group on Heart Failure Awareness and Perception in Europe) est le groupe d'étude sur la sensibilisation à l'insuffisance cardiaque et sa perception en Europe. Shape est la seule organisation européenne ayant pour vocation exclusive d'améliorer la compréhension de l'IC par le public et sa prise en charge par les professionnels de santé.
** www.insuffisancecardiaque-europe.com.
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