T OUT en restant serein, Philippe Kourilsky n'hésite pas à dire que la réussite de sa mission, en tant que directeur général de l'Institut Pasteur, dépend d'une augmentation budgétaire de 30 à 50 %. Le budget de 1 milliard de francs par an, qui reste stable depuis plusieurs années, ne suffit pas pour augmenter le nombre de chercheurs, poursuivre les investissements technologiques et mener des actions internationales significatives, surtout si l'on veut se placer dans une compétition mondiale dominée par les Etats-Unis.
Malgré la bonne volonté des pouvoirs publics, Philippe Kourilsky compte moins sur les subventions et contrats de l'Etat (qui représentent un tiers du budget global) que sur les revenus propres de l'Institut Pasteur (44 % du budget), même si ces derniers présentent l'inconvénient d'être fluctuants. Puisque « l'Etat lui-même ne possède pas beaucoup de fonds pour la recherche », l'institut veut à la fois réorganiser les activités de valorisation industrielle, mettre en uvre une politique de protection des inventions pasteuriennes, renforcer les moyens de transfert technologique et consolider les partenariats avec le monde industriel, comme ceux qu'il a réalisés avec Aventis Pasteur et Biorad.
Inauguré en décembre dernier sur le site même de l'institut, l'incubateur d'entreprises de biotechnologies de l'institut, appelé Pasteur BioTop, est certes un moyen d'aider les jeunes chercheurs à créer leur entreprise. Mais c'est aussi un moyen de valoriser la propriété intellectuelle de l'institut en récoltant les royalties des brevets ou des licences. Aujourd'hui, l'incubateur accueille trois nouvelles « jeunes pousses » issues de la recherche pasteurienne et se prépare à en intégrer quatre autres. « Notre but est d'arriver à créer cinq start-up par an », explique Philippe Kourilsky. La souscription à un fonds commun de placement à risque (Biodiscovery) de 40 millions d'euros doit favoriser le financement de projets. « Nous ne voulons pas faire de la capitalisation, note Philippe Kourlisky. Mais toutes ces mesures doivent nous permettre de poursuivre nos missions » qui sont au nombre de trois : la recherche scientifique, les actions de santé publique et la formation.
Une nouvelle organisation
Concernant la recherche scientifique, l'Institut a identifié cinq principales orientations : la génomique et la protéomique, la biologie structurale, la chimie, l'épidémiologie et l'écologie, « une des grandes disciplines du XXIe siècle », selon Philippe Kourilsky. Quinze axes thématiques ont été dégagés, qui devront servir de base à la définition des futurs départements de recherche. En janvier prochain, Philippe Kourilsky souhaite mettre en place, en concertation avec l'ensemble des unités de recherche, un nouveau découpage des départements. « Ces départements doivent avoir une taille qui permette la communication et le débat scientifique », précise-t-il. Comportant entre 70 et 150 chercheurs, chaque département (soumis, comme les unités à une évaluation tous les douze ans) regrouperait des unités de recherche ayant des intérêts communs, sous la tutelle d'un « leader scientifique » chargé de coordonner l'animation scientifique. Cette nouvelle organisation doit favoriser la création de « grands programmes horizontaux », sur la vaccinologie ou la génomique fonctionnelle et structurale des mycobactéries par exemple. Cette volonté de développer l'interdisciplinarité s'est déjà traduite par la réalisation de programmes transversaux qui impliquent, sur deux ans, au minimum trois unités de recherche. En 2000, 17 de ces programmes ont été créés et 11 autres ont été retenus pour 2001.
Centre commun de vaccinologie clinique
Pour ce qui est des actions de santé publique, elles se poursuivent (et cela malgré la fermeture, il y a plus d'un an, de l'hôpital Pasteur) au sein du centre médical et des centres nationaux de référence. En outre, un accord a été récemment conclu avec l'hôpital Cochin pour la création d'un centre commun de vaccinologie clinique.
Quant à l'enseignement, il illustre notamment la détermination de l'institut de s'imposer sur la scène internationale (une direction des affaires internationales vient d'être créée dans le but renforcer les relations internationales de Pasteur). En 2000, 255 élèves (représentant 31 nationalités) et 830 stagiaires (représentant 58 nationalités) ont été accueillis par le centre d'enseignement de l'Institut Pasteur. Cinq nouveaux cours (pour le troisième cycle) vont être créés dans les deux prochaines années : un cours sur la « culture pasteurienne », pour développer la culture générale des futurs chercheurs, un autre sur l'analyse des génomes, ou encore sur la bactériologie médicale, les neurosciences et les modules pour écoles doctorales.
L'appétit du directeur général de l'Institut Pasteur fait envie. Reste à souhaiter que les moyens financiers lui permettront de manger à sa faim. D'autant, souligne-t-il, que les récentes dispositions fiscales du gouvernement n'encouragent pas le mécénat scientifique.
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