LE JUGE LAURENT RAVIOT, du tribunal de Créteil (Val-de-Marne), a mis en examen, le 28 septembre, l'Institut national de transfusion sanguine (Ints), en tant que personne morale, pour « mise en danger d'autrui ». La décision fait suite à une plainte d'un manutentionnaire du département fret de l'aéroport d'Orly (Val-de-Marne), Jean-Marie J. Le 9 octobre 1998, cet homme de 40 ans s'est blessé en ramassant à main nue des éprouvettes contenues dans un colis tombé d'une palette.
Tout commence par une commande de produits sanguins contaminés faite en octobre 1998 à l'Ints par PBS-Orgenics. En achetant des échantillons de sang porteur du VIH, cette société, installée à Courbevoie (Hauts-de-Seine), entend procéder à l'étalonnage de tests. Le Pr Anne-Marie Courroucé, responsable du service d'immunologie transfusionnelle de l'Ints, est chargée de l'envoi postal à PBS-Orgenics, à Courbevoie. Elle « a omis de mettre la mention "produits infectieux" », comme le recommande l'institut, et s'est contentée de l'étiquette « produits sanguins », dit au « Quotidien » Me Francis Terquem, avocat de l'institution. « Toutefois, poursuit-il, on ne savait pas que l'envoi était destiné à repartir pour Yavné, en Israël, dans la maison mère de PBS-Orgenics. » Un nouvel emballage est donc fait, « sans aucune mention, en indiquant néanmoins sur le bordereau remis au transitaire "produits contaminés par le VIH" ». Or, à Orly, un conteneur s'est écrasé sur la boîte d'échantillons sanguins. Le manutentionnaire des lieux, sans gants de travail, non obligatoires, mais conseillés, ramasse le colis et se coupe. Pendant trois mois, il devra suivre une trithérapie afin de prévenir une éventuelle contamination, qui n'a pas eu lieu.
« Pris dans une nasse juridique ».
Pour Me Francis Terquem, la procédure judiciaire en cours, qui vise également le Pr Courroucé, n'est pas fondée juridiquement. Sachant que l'institut a donné des instructions pour utiliser des étiquettes « produits infectieux », la mise en cause de sa responsabilité en tant que personne morale est injustifiée, plaide-t-il. En second lieu, le délit de « mise en danger » suppose que l'Ints aurait su qu'un manutentionnaire d'Orly pouvait être exposé directement au colis, « ce qui est impossible, puisqu'il ne savait pas que le paquet devait repartir pour Israël ». En outre, l'Ints affirme haut et fort que PBS-Orgenics « savait que les produits sanguins étaient contaminés et non chauffés », ce que le laboratoire nie.
« Nous sommes pris dans une nasse juridique assez complexe », explique au « Quotidien » le Pr Philippe Rouget, qui « assume toute la situation, car cela fait partie de (ses) fonctions de directeur général » de l'institut. Quant au Pr Anne-Marie Courroucé, à la retraite depuis septembre 2002, « je crois qu'elle a fait ce qu'elle avait à faire », déclare-t-il. A son avis, c'est PBS-Orgenics qui, pour l'instant, « essaie de se sortir d'un mauvais pas ».
Me Francis Terquem, qui espère un non-lieu, réclame au juge une « confrontation générale », au cours de laquelle il rappellera que PBS-Orgenics a « bien commandé des produits contaminés non chauffés ».
L'Ints chargé de la prévention des risques
Avec l'Etablissement français du sang et le Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies, l'Institut national de la transfusion sanguine (Ints) est l'un des éléments clés du système transfusionnel, qui a tourné la page du sang contaminé.
Créé en 1994 par l'Etat, ce groupement d'intérêt public, fort de 104 salariés et de 11 millions d'euros de budget, a pour missions les activités de recherche afférentes à la prévention des risques, les activités biologiques de référence visant à maîtriser les risques immunologiques et infectieux, ainsi que l'enseignement universitaire et la formation continue.
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