Picauville, bourgade de la Manche, n'aura plus qu'un médecin généraliste d'ici à quelques mois. Une « catastrophe », selon l'intéressé, le Dr Roland Guyonnet, qui, en septembre, faisait déjà part de son « ras-le-bol » face aux horaires et aux responsabilités auxquels il est confronté (« le Quotidien » du 20 septembre 2001). « Il n'est pas envisageable d'être le seul médecin pour une commune de 2 000 habitants », dit-il aujourd'hui, en lançant un appel au secours en direction de ses confrères. Juste avant d'apprendre la nouvelle du départ de son unique confrère, il avait adressé une lettre humoristique à Bernard Kouchner, ministre de la Santé, dans laquelle il lui proposait de venir le remplacer une semaine ou deux, afin de se « rendre compte sur le terrain de la vie que mènent les médecins de campagne ». Plus que jamais, le Dr Guyonnet envisage de mettre la clé sous la porte : « On ne peut pas y laisser sa peau », dit-il. Estimant qu'il travaille déjà soixante-dix heures par semaine, il ne voit pas comment il pourrait accepter un seul patient supplémentaire : « Le problème, c'est d'avoir une vie à soi, mais aussi le risque qu'un pépin arrive. Tous les médecins de 50 ans ont cette trouille », confie-t-il. Au-delà de son cas personnel, il décrit le désarroi des patients : « Une désertification de tout le système de soins s'étend rapidement, ce qui engendre une angoisse tout à fait justifiée de la population. Certaines personnes âgées ont l'impression de revivre la période qui a précédé la dernière guerre », explique le médecin à son ministre.
Trois ou quatre médecins
Le maire de la commune, Philippe Catherine, reconnaît que la situation est très préoccupante. « Dans les vœux que j'ai prononcés il y a un mois, la construction d'une maison médicale figure dans les projets à retenir pour l'année à venir, précise-t-il. Pour subvenir aux besoins de Picauville et des alentours, il faudrait au moins trois médecins, quatre pour que chacun ait une bonne qualité de vie. » Le maire se déclare prêt à investir la première année, dans cette maison médicale, un quart ou un cinquième du budget de sa commune, c'est-à-dire 305 000 euros (2 millions de francs), subventions déduites, plus 38 112 euros (250 000 F) de frais de fonctionnement annuels. « Mais pour cela, il faut qu'il y ait des médecins candidats », insiste-t-il. Puisque la loi sur le financement de la Sécurité sociale 2002 met en place un dispositif d'aide à l'installation des professionnels de santé dans les zones rurales et que l'accord signé entre MG-France et la caisse d'assurance-maladie prévoit de fixer les conditions d'attribution d'ici au 30 juin, Philippe Catherine attend beaucoup des efforts qui reviennent, selon lui, à l'Etat, mais aussi au conseil régional. Au niveau départemental, l'ironie veut que Picauville ne rentre pas dans les critères d'attribution fixés par le conseil général de la Manche, pourtant le seul à s'être engagé à financer à hauteur de 40 % les projets d'aide à la création de maisons médicales dans les petites communes.
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