C’est la mesure emblématique du projet de loi de santé, un marqueur de gauche pour le gouvernement. La mesure la plus conflictuelle aussi...
Dans deux ans, tous les patients sont censés pouvoir consulter un médecin de ville sans avoir à avancer les frais (part Sécu et complémentaire). Voilà ce qui est prévu sur le papier.
La réalité est plus compliquée. Première étape : le tiers payant intégral sera mis en place dès le 1er juillet 2015 pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS). Le Parlement a adopté cette mesure dans le budget de la Sécu 2015. Au passage, le gouvernement a supprimé toutes les franchises dont devaient s’acquitter jusqu’à présent les bénéficiaires de l’ACS.
Si le tiers payant « social » est généralement accepté par les syndicats, la profession ne veut pas de la généralisation obligatoire. « Je connais vos réserves », a convenu François Hollande, le 16 octobre, lors de sa visite au congrès de l’Ordre des médecins.
Le rejet massif du tiers payant obligatoire est une des raisons principales de la contestation médicale actuelle. « La dispense intégrale d’avance de frais pour les CMU-C et les ACS, nous l’acceptons mais ça s’arrête là, résume le Dr Roger Rua, président du SML. Le tiers payant généralisé n’a pas de justification sociale ou économique. » Pour de nombreux praticiens, cette réforme envoie un signal négatif de « médecine gratuite » qui entraînera un plus grand consumérisme médical. Pour ses détracteurs, le tiers payant remet en cause le paiement à l’acte, aliénant les médecins à l’assurance-maladie.
Discussions au point mort
Surtout, personne ne sait comment s’appliquera techniquement la dispense d’avance de frais dans deux ans. Comment seront gérés les flux de paiement ? Qui centralisera ? Quelles garanties ? Depuis plusieurs mois, la ministre de la Santé promet aux médecins, sans les convaincre, un « dispositif simple et sécurisé ».
Le groupe de travail technique dirigé par l’IGAS avec l’assurance-maladie, les complémentaires et les praticiens libéraux, est au point mort. « Ca n’a pas beaucoup avancé, concède le Dr Gilles Urbejtel, pour MG France. Chacun campe sur ses positions et je ne vois pas de porte de sortie ».
Pour la première étape (bénéficiaires de l’ACS), un décret doit déterminer les modalités avec un interlocuteur unique pour l’ensemble de la procédure. Les médecins réclament « un paiement unique » pour ne pas avoir à réclamer des éventuels impayés à plus de 400 organismes complémentaires.
Deux scénarios sont à l’étude. Première option : la caisse gère seule le tiers payant intégral, rembourse le médecin et récupère ce qui lui est dû auprès des complémentaires. Ce schéma est refusé par les mutuelles qui ne veulent pas être payeurs aveugles. La seconde option consiste à éclater les flux entre l’assurance-maladie et les complémentaires. Un organisme concentrateur pourrait assurer cette fonction.
Au-delà de la gestion des flux de paiement, le recouvrement des franchises est un autre défi. « Le ministère est très embêté techniquement », confie un leader syndical. Parallèlement, mutuelles, assureurs et institutions de prévoyance sont en train d’harmoniser les attestations de tiers payant (en vue du futur contrôle des droits en ligne).
Méthode Coué
Signe que le gouvernement marche sur des œufs, Marisol Touraine a réaffirmé que le tiers payant serait bien obligatoire mais a ajouté qu’elle n’avait pas l’intention de sanctionner les praticiens qui ne l’appliqueraient pas. « Le tiers payant se mettra en place, ce ne sera pas une usine à gaz, ça marchera », a encore affirmé la ministre mi-octobre. Elle n’exclut pas « des dérogations à la marge pour les professionnels qui vont partir à la retraite ». Selon nos informations, de prochaines réunions se tiendront en janvier pour examinerles solutions techniques envisageables pour le tiers payant généralisé. « Des solutions simples et opérationnelles pour les médecins », assure au « Quotidien » le ministère de la Santé.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature