CERTES, LES PROFESSIONNELS de santé libéraux se font moins entendre que les marins-pêcheurs ou les transporteurs routiers. Il n'empêche. La hausse considérable du prix du baril de pétrole en quelques semaines – il oscillait en fin de semaine dernière entre 132 et 135 dollars (soit entre 83,60 et 87,50 euros), alors qu'il était à moins de 100 dollars (63 euros) à la fin de l'année dernière, et à 60 dollars en mai 2007 – ne manque pas d'inquiéter nombre d'infirmières libérales, de kinésithérapeutes, de transporteurs sanitaires ou de médecins libéraux, notamment des généralistes.
Et la situation ne devrait pas s'arranger. Surtout si l'on en croit un expert comme le Premier ministre luxembourgeois et président de l'Eurogroupe des ministres des Finances de l'Union européenne, Jean-Claude Juncker, qui vient d'affirmer qu'il s'attendait «à ce que les prix du pétrole restent élevés».
La situation a conduit le Centre national des professions de santé (CNPS), aujourd'hui présidé par le Dr Michel Chassang (patron également de la CSMF), à demander au gouvernement d'intervenir et de prendre deux mesures d'urgence : exonération pour les professionnels de santé de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (la fameuse TIPP qui représente plus de la moitié du prix de l'essence ou du gazole) ou des exonérations fiscales ; revalorisation des actes à domicile et des indemnités kilométriques.
Du côté des médecins libéraux et plus particulièrement des généralistes, on ne veut pas pour l'instant dramatiser. «Le prix élevé de l'énergie depuis quelques mois pénalise l'ensemble des Français, tempère ainsi le Dr Michel Combier, président de l'Union nationale des omnipraticiens français, (UNOF), qui regroupe les généralistes de la CSMF. Et même s'il est vrai que dans les campagnes, notamment, où les visites imposent parfois aux généralistes de longs déplacements, les surcoûts sont importants, il ne faut pas pour autant crier au scandale.» De plus, depuis la réforme de 2002, le nombre des visites a diminué, relativisant l'impact de la flambée de l'or noir.
Le problème est sans doute différent pour les 1 000 praticiens de SOS Médecins dont la vocation est d'intervenir au domicile des patients et qui effectuent ainsi chaque année 2,5 millions de visites, soit en moyenne 2 500 visites pour chaque praticien. Il est clair que l'augmentation des prix de l'essence et du gazole peut dans certains cas grever leurs revenus. Pourtant, on reste calme à SOS médecins, même si son président, le Dr Patrick Guérin, admet que, en quelques mois, les charges des médecins de SOS concernant l'énergie ont progressé de 30 %. «Mais, ajoute-t-il aussitôt, nous ne sommes pas les plus mal lotis et toutes les professions concernées par ce problème ne vont pas faire la queue, chacune à leur tour, pour demander des exonérations et des baisses de charges.» Le discours est différent chez les infirmières et les infirmiers libéraux. «Nous avons déjà les indemnités de déplacement les plus basses de toutes les professions de santé, explique ainsi Philippe Tisserand président de la Fédération nationale des infirmières(FNI) et la hausse du coût du carburant va encore nous pénaliser lourdement. Déjà, nous sommes contraints de prendre sur la valeur des actes pour couvrir une partie de nos frais de déplacement. C'est dire si la situation n'est plus tolérable.» Le président de la fédération, qui a rencontré un collaborateur de Nicolas Sarkozy et un conseiller de la ministre de la Santé – sans obtenir, dit-il, de réponse –, va écrire au Premier ministre. «Nous voulons lui dire que notre profession n'est pas libre de ses tarifs et que, dans ces conditions, nous ne pouvons les augmenter pour faire face à la crise pétrolière. Il revient donc aux pouvoirs publics d'intervenir.» Sans réponse et sans décisions rapides, les infirmières et les infirmiers libéraux n'écartent pas l'éventualité d'actions fortes au cours de l'été.
Frais kilométriques équitables.
Même courroux chez les kinésithérapeutes qui se déplacement fréquemment au domicile de leurs patients, notamment les personnes âgées. L'exercice à domicile représente ainsi près d'un quart de l'activité des kinés. «La hausse constante du prix des carburants pose clairement et à court terme la question économique des soins à domicile», explique la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR). Alors même que les pouvoirs publics souhaitent développer les alternatives à l'hospitalisation, notamment l'hospitalisation à domicile, avec le maintien des personnes âgées chez elles. D'où la demande des kinés d'une revalorisation des frais de déplacement et d'une remise à plat du système des indemnités kilométriques, qui doit respecter l'équité entre toutes les professions de santé, plaident-ils. La réponse des pouvoirs publics est attendue avec une certaine impatience par ces professionnels de santé.
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