MALAISE SUR L’ONDAM 2007. Depuis l’annonce par Xavier Bertrand des budgets attribués aux grands secteurs de soins l’an prochain (objectif de 0,8 % pour les soins de ville contre 3,5 % pour l’hôpital), les députés sont soumis à un lobbying intensif des professionnels de santé, certes habituel à cette époque, mais qui prend un relief particulier à quelques mois des élections législatives. Alors que le dernier Plfss du quinquennat doit être examiné à l’Assemblée nationale à partir du 24 octobre, nombre d’élus de l’actuelle majorité s’inquiètent d’un malentendu croissant avec les milieux médicaux, électorat réputé plutôt favorable.
Vieux démons.
Furieuse du taux d’évolution réservé aux soins de ville en 2007, une «provocation» qui «saborde» la médecine libérale, la Csmf a adressé à l’ensemble des députés et sénateurs une lettre les exhortant à «intervenir» sur le budget de la médecine libérale. Dix ans après les ravages électoraux (réels ou supposés) du plan Juppé, le courrier de la Csmf ressuscite de vieux démons : dénonçant une «politique nouvelle de rationnement des soins», il demande à chaque élu «la sauvegarde du système de soins de proximité auquel les électeurs de votre circonscription, nos patients, sont attachés...». La Csmf a également lancé une pétition «SOS soins de ville en danger» que les médecins peuvent signer et adresser à leurs élus. Le président du syndicat, Michel Chassang, estime que «500millions d’euros» doivent être ajoutés à l’enveloppe des soins de ville pour éclaircir l’horizon tarifaire des libéraux (soit un Ondam de 1,5 %).
« A tout moment, il peut se passer quelque chose ».
Pas en reste, le Cnps, qui regroupe vingt-huit organisations de professionnels de santé libéraux (médecins, kinés, infirmières...), s’apprête à adresser le même genre de lettre de mise en garde aux députés. Il attirera l’attention sur l’ «iniquité» des objectifs entre la ville et l’hôpital et la nécessité d’un débat digne de ce nomau Parlement pour corriger le tir. «Qui ne dit mot consent, avertit le Dr Dino Cabrera, président du Cnps. Si nous ne sommes pas entendus, il y aura une pression graduée sur les parlementaires, les législatives approchent.»
Autant d’amicales pressions peuvent-elles faire bouger les lignes ?
«Les députés sont sensibles aux échanges qu’ils ont avec les professions de santé, ils vont travailler avec le ministre», commente laconiquement Bernard Accoyer, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale.
Conscient des risques de ce dossier, il juge «souhaitable» que «les professionnels libéraux n’aient pas l’impression d’être moins bien traités que d’autres». Cet expert des milieux médicaux, ORL de formation, diagnostique-t-il un malaise chez ses confrères libéraux ? «Il ne faut pas donner le sentiment qui est donné aujourd’hui», tranche-t-il. Le puissant groupe UMP ira-t-il jusqu’à réclamer au ministre de la Santé une augmentation de l’enveloppe des soins de ville? «Ce n’est pas arrêté». Dans les rangs du parti gaulliste, d’autres députés prennent moins de gants pour décrire une situation délicate. C’est le cas de Jean-Marie Rolland, député UMP de l’Yonne, rapporteur du Plfss pour l’assurance-maladie. Tout en soulignant que le contexte préélectoral «exacerbe les tensions et certains poujadismes», il rappelle qu’il est impératif d’avoir «une convention qui marche avec des syndicats responsables» pour conforter la maîtrise médicalisée. De ce point de vue, le climat de confiance avec les médecins mérite d’être entretenu. «Le ministre de la Santé nous dit que l’Ondam actuel permet d’atteindre le C=CS, je ne demande qu’à le croire. Mais je voudrais qu’on me le prouve !», explique Jean-Marie Rolland . Le débat parlementaire réservera-t-il une bonne surprise pour les libéraux ? «A tout moment il peut se passer quelque chose», ironise le rapporteur. Il juge néanmoins «difficile» un rééquilibrage au détriment de l’hôpital public, lui aussi en alerte (voir encadré). Pour ce même élu, la solution passe par «de nouvelles ressources» pour l’assurance-maladie , par exemple via le tabac, qui permettraient de «mettre un peu de beurre dans les épinards». Quant à la menace d’un supposé « vote » médical hostile en 2007, il calme le jeu. «On cite toujours le très mauvais souvenir de 1997 lorsque de nombreux députés sortants (de droite) s’étaient retrouvés affichés dans les salles d’attente avec des fléchettes. Mais je pense que les médecins libéraux savent qu’ils sont mieux lotis sous Xavier Bertrand que sous Jack Ralite ou Elisabeth Guigou.»
Bur (UMP) : « Surenchère ».
Le sarkozyste Dominique Paillé estime pour sa part que le dépassement de l’enveloppe «sous-estimée» des soins de ville est inévitable : «Nous ne pourrons pas absorber les revalorisations des honoraires grâce aux seules économies réalisées sur le médicament dont on attend trop.» Le député UMP des Deux-Sèvres souhaite que le débat qui précédera les élections permette de «trouver des ressources complémentaires».
Même si la période préélectorale ne se prête guère à la chasse aux nouveaux prélèvements. D’autres députés, comme Francis Falala (UMP, Marne), ont écrit directement à Xavier Bertrand pour relayer «les inquiétudes de la Csmf et de l’Umespe».
« Pifométrique » (UDF)et« intenable » (PS).
Le relèvement de l’Ondam par le Parlement serait une première. Pour Yves Bur, député UMP du Bas-Rhin, rapporteur pour la commission des finances, il faut «garder raison» dans un climat de «surenchère». «La période est propice aux contacts divers et variés», euphémise ce vieux routier du Plfss.Le député rappelle au passage que la population ne voit pas forcément d’un bon oeil les «revendications constantes des acteurs médicaux». Il s’ «interroge» néanmoinssur le différentiel entre la ville et l’hôpital qui peut donner le sentiment du «deux poids deux mesures». Or, juge-t-il, «l’hôpital doit continuer à marche forcée à optimiser ses dépenses».
Dans l’opposition, le sujet polémique de l’Ondam est du pain bénit pour dénoncer les choix du gouvernement. Pour les socialistes, l’angle d’attaque est tout trouvé. «Le gouvernement a fixé un taux d’évolution des dépenses irréaliste, intenable, c’est du pur affichage», accuse Claude Pigement, responsable national du PS à la santé, qui y voit «une bombe à retardement». Le risque ? Une intervention du comité d’alerte sur les dépenses maladie en juin 2007 qui forcera le... nouveau gouvernement à prendre des mesures de redressement.
Les députés PS sont-ils prêts à se mobiliser pour augmenter l’enveloppe des libéraux ? «Les médecins connaissent un malaise profond mais il a d’autres racines que la dimension financière, explique Jean-Marie Le Guen, député PS de Paris, proche de Dominique Strauss-Kahn. La revendication légitime d’égalité de traitement entre les généralistes et les spécialistes ne se résume pas au C=CS.» Le député UDF de Vendée Jean-Luc Préel, responsable santé du parti centriste, n’est pas tendre non plus avec le gouvernement : «Je dénonce cet Ondam “pifométrique”, non médicalisé. Tout le monde réclame et c’est justifié: en 2007, leC devra être à la hauteur du CS, il faudra rediscuter de la Ccam clinique et technique, ouvrir les négociations avec les infirmières... On voit bien que les 0,8% ne sont pas crédibles pour tenir les promesses.» L’Ondam, décidément, n’a pas fini de chauffer les esprits et les bancs dans l’hémicycle.
(1) Objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam).
La FHF fourbit ses armes
La FHF, qui représente la quasi-totalité des hôpitaux publics, n’a pas officiellement réagi à l’Ondam hospitalier (+ 3,5 %) pour 2007. Faut-il en déduire que ce taux lui convient ? Pas du tout, explique-t-on, à la FHF, «on fourbit nos armes». Présidée par l’ancien ministre socialiste de la Santé, Claude Evin, député de Loire-Atlantique, qui dispose de solides relais à l’Assemblée, la puissante fédération avait réclamé une hausse minimale de 4,21 % des dépenses hospitalières pour assurer la simple reconduction des moyens existants. Or, explique-t-on à la FHF, non seulement le taux fixé par le gouvernement est inférieur, mais ce montant provisionne notamment les résultats des négociations dans la fonction publique hospitalière. La FHF, qui réunit le 12 octobre son conseil d’administration, devrait s’exprimer rapidement sur l’Ondam et diffuser son argumentaire aux parlementaires. Evidemment, ajoute-t-on, toute diminution de l’Ondam hospitalier serait «un casus belli».
Sur le Plfss 2007, voir aussi :
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