QU'ILS EXERCENT à l'Est ou à l'Ouest, les médecins européens représentés par la FEMS (Fédération européenne des médecins salariés) nourrissent quelque inquiétude par rapport à ce projet de directive. À l'occasion de leur assemblée générale à Varsovie début octobre, ils ont signé une motion de mise en garde. «Cette proposition, estime la FEMS, établit un déséquilibre aux dépens des nouveaux pays membres d'Europe centrale et orientale.»
Le président de la FEMS, le Dr Claude Wetzel, parle d'une «régression sociale». En obligeant les patients à avancer les frais lorsqu'ils se font soigner à l'étranger, le texte, précise le médecin français, met en place une médecine à deux vitesses au sein de l'Europe. Son confrère tchèque, Milan Kubek, est du même avis. «Le projet de directive est bon pour les assureurs des pays riches, mais discriminatoire pour les habitants des pays pauvres qui ne pourront pas payer de leur poche la différence de prix.» La République tchèque redoute de voir débouler en plus grand nombre qu'aujourd'hui ses voisins allemands et autrichiens pour recevoir des soins qui coûtent trois fois moins cher que dans leur pays d'origine. Les médecins tchèques ne tiennent pas à servir de main-d'oeuvre bon marché pour une clientèle fortunée. De même ne veulent-ils pas qu'une patientèle étrangère, encouragée par leur assurance-maladie ou leur assureur privé, encombre leurs hôpitaux et génère des listes d'attente pénalisant la population tchèque. L'analyse est partagée par les autres pays de l'Est.
À chaque pays sa spécialité.
Le tourisme médical est déjà une réalité bien organisée en Europe et au-delà. Chaque pays a sa spécialité : la dialyse au Portugal, les prothèses dentaires en Croatie, les prothèses en Espagne, la cataracte en Turquie... La FEMS reconnaît qu'un cadrage s'impose. Mais elle estime que le texte soumis à l'examen du Conseil et du Parlement européen ne va pas dans le bon sens. «Cette directive considère la santé comme une marchandise, déplore le Français Claude Wetzel, président de la FEMS . Il faut défendre la libre circulation des patients au sein de l'UE, mais il faut s'opposer à l'avance des frais de soins.»
Le chapitre de la directive relatif à la mise en place d'une évaluation de la qualité des soins en Europe laisse les médecins tout aussi dubitatifs. Au congrès de la FEMS, les doutes ont fusé. «On sait qu'il existe des hôpitaux trois étoiles, et d'autres nettement moins bons. L'enjeu est important pour nos patients, mais il ne sera pas simple d'instaurer une évaluation avec des règles partagées par tous», a commenté le Dr Enrico Reginato (Italie).
Il existe autant de systèmes de FMC (formation médicale continue) et d'EPP (évaluation des pratiques professionnelles) que d'États membres. «La FEMS a un rôle à jouer pour harmoniser les salaires, les conditions de travail et la FMC au sein de l'Union européenne, note le Dr Carlos Amaya (Espagne) . Seulement, il existe des blocages politiques et industriels. Cela va prendre du temps.»
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