LA RÉFORME DES UNIVERSITÉS menée par le gouvernement constitue-t-elle un danger pour les facultés de médecine ?
A en croire les réactions épidermiques exprimées depuis plusieurs jours par les doyens de médecine, les directeurs généraux des CHU, les présidents des CME de CHU, la Fédération des hôpitaux de France (FHF), les internes (Isnih), les chefs de clinique (Isncca), les étudiants en médecine (Anemf) et le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom), l'absence d'un volet spécifique à la santé dans le projet de réforme des universités pourrait être à l'origine de bien des maux (« le Quotidien » du 22 juin). Les doyens craignent une révision de leurs prérogatives. Le Pr Bernard Charpentier, président de la Conférence des doyens, est le premier monté au créneau pour dénoncer la remise en cause du statut dérogatoire des facultés de médecine qui permet, selon lui, aux centres hospitalo-universitaires (CHU) de remplir correctement leur triple mission de soins, d'enseignement et de recherche. «Nous redoutons, avec ce projet de loi, qu'il n'y ait plus d'affectation de postes hospitalo-universitaires par les ministères de l'Enseignement supérieur et de la Santé, mais directement par les présidents d'université, confie le Pr Charpentier. Notre angoisse, c'est que l'on touche au fonctionnement du CHU, que l'on nuise à la santé publique, à la formation à l'hôpital, que les jeunes talents soient davantage attirés, comme c'est le cas aujourd'hui en chirurgie, par le secteur privé plutôt que public. Les doyens ne veulent pas finir gardiens de square.» Paul Castel, président de la Conférence des directeurs généraux de CHU, partage les mêmes inquiétudes. «Cette réforme des universités contient des points qui vont vers plus d'assouplissement, de réactivité et d'autonomie, que nous réclamons depuis longtemps, mais elle risque de mettre à mal la richesse que constituent nos CHU qui ont réussi à allier enseignement et recherche.»
« Beaucoup de bruit autour de cette question ».
L'article 15 du projet de réforme des universités stipule que les doyens ont qualité pour signer les conventions qui lient le centre hospitalier à l'université même si «ces conventions ne peuvent être exécutées qu'après avoir été approuvées par le président et votées par le conseil d'administration de l'université. Le président peut déléguer sa signature au directeur pour ordonnancer les recettes et les dépenses de l'UFR».
Jean-Pierre Finance, premier vice-président de la Conférence des présidents d'université (CPU), juge excessives les inquiétudes des doyens des facultés de médecine. «Il y a beaucoup de bruit autour d'une question qui n'en mérite pas autant, assure-t-il. L'enjeu de cette réforme est de recoller au peloton de tête des universités à l'échelle européenne. Cet article ne va rien changer à l'organisation actuelle. Le seul changement est que, lorsqu'un doyen prendra des décisions anormales, le président pourra lui retirer sa délégation de signature. Ce n'était pas le cas auparavant. La logique de la loi est de définir plus clairement les responsabilités de chacun.»
Jean-Pierre Finance, président de la faculté Henri-Poincaré de Nancy, rejette catégoriquement l'argument des doyens selon lequel les présidents d'université pourraient retirer des emplois d'hospitalo-universitaires. «C'est une contre-vérité, indique-t-il, en citant l'article L952-21 du code de l'Education : Dans le cadre des fonctions hospitalo-universitaires, la décision de créer ou de supprimer des emplois relève d'une décision des ministères de l'Enseignement supérieur et de la Santé. Comment peut-on soupçonner en permanence les présidents d'université d'être des ennemis du système d'enseignement en santé?»
Doyens, directeurs de CHU et présidents de CME espèrent que Roselyne Bachelot, qui les recevra cette semaine, saura les rassurer sur les intentions du gouvernement. Doyens et présidents d'université refusent aujourd'hui de parler de lutte de pouvoir, mais c'est bien de cela dont il s'agit.
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