La remise, il y a quelques jours, aux syndicats de praticiens hospitaliers d'un texte du ministère de la Santé, prévoyant la possibilité de recruter des médecins libéraux dans les hôpitaux comme praticiens contractuels sans qu'ils aient à passer le concours, a aussitôt provoqué la colère du Dr Rachel Bocher, la présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH).
La psychiatre nantaise redoute « un déséquilibre entre les professionnels de santé » dans les hôpitaux, une crainte qu'elle a signalée à Jean-François Mattei dans une lettre datée du 11 juin. Le projet d'arrêté en question prévoit la possibilité pour les hôpitaux publics de recruter des praticiens libéraux, au titre de praticiens contractuels, lors de restructurations, d'actions de coopération ou de mise en réseau. « Ce qui revient à donner la garantie à chaque médecin libéral qui exerce en clinique privée que si sa boutique met la clé sous la porte il pourra être repris par l'hôpital d'en face, sans avoir à passer aucun concours, alors que nous, praticiens hospitaliers, avons dû franchir nombre d'écueils - concours, nomination... - pour avoir le droit de travailler à l'hôpital », analyse le Dr Rachel Bocher.
La présidente de l'INPH est encore plus agacée par le paragraphe consacré à la rémunération de ces praticiens contractuels. Leurs émoluments correspondront aux « revenus perçus pendant les douze mois précédant le recrutement en qualité de praticien contractuel dans la limite des émoluments applicables aux praticiens à plein-temps parvenus en fin de carrière ».
Commentaire de Rachel Bocher : « Il est impensable qu'au sein de l'hôpital un médecin de 35 ans issu du libéral gagne plus qu'un médecin hospitalier de 50 ans qui, pour en arriver là, a dû faire le parcours du combattant. » Dans sa lettre au ministre, la psychiatre précise : « Nous touchons là aux fondements mêmes de la notion d'engagement. » Elle demande que le projet d'arrêté soit modifié en plusieurs endroits. « Il faut introduire une validation des connaissances pour les prétendants aux postes de contractuel, la prise en compte de leur ancienneté doit être revue à la baisse. Il faut, en outre, des garanties pour que leur recrutement n'intervienne que dans des cas ponctuels de restructurations », affirme la présidente de l'INPH.
« Provocation »
Sa prise de position a provoqué la foudre des praticiens libéraux. Un exemple, avec la réaction du président de l'UCCSF (Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français), qui ne mâche pas ses mots : « croisade corpo », « provocation », « polémique désastreuse »... Le Dr Jean-Gabriel Brun ne goûte visiblement pas l'attaque du Dr Bocher. L'hôpital public n'aura d'avenir que s'il accepte d'intégrer les libéraux et, pour que les libéraux viennent, les émoluments doivent être incitatifs, pense-t-il.
Dans un courrier électronique adressé au ministre de la Santé, le Dr Brun précise : « Selon nous, rien ne sera fait de valable pour le "malade hôpital public" sans l'adhésion des spécialistes libéraux et leur intégration dans la dignité. » Dans la dignité : sous-entendu, il faudra y mettra le prix. Ce que confirme la phrase suivante : « Non ! Le retour des libéraux ne se fera pas au rang d'ASH (aide-soignant hospitalier) ».
Le projet d'arrêté doit à nouveau être présenté le 30 juin lors d'une réunion du comité national de suivi.
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