> Antiquités
Geneviève Laporte a à peine 17 ans lors de leur première rencontre, en 1944, dans le Paris de la Libération. Étudiante férue d'art et de poésie, elle a été mandatée par sa classe du lycée Fénelon pour aller interviewer le peintre au sujet des toiles qu'il expose au Salon d'Automne. Ces fameux visages déformés inspirés par sa liaison houleuse avec Dora Maar, qui provoquent la colère et les quolibets du public. Les jeunes, quoique plus ouverts, sont tout aussi déroutés par cette vision de l'art et c'est avec une certaine maladresse mêlée de timidité que la bonne élève aborde le maître dans son atelier du quai des Grands-Augustins. Ce qui n'empêche pas Picasso de tomber sous le charme et de la revoir plusieurs fois pour finaliser l'interview qu'elle destine au journal du lycée.
Leur histoire d'amour ne commence qu'en 1951 quand Geneviève Laporte revient, à 25 ans, d'un séjour de plusieurs années aux États-Unis. Leur liaison dure l'espace d'un bel été à Saint-Tropez et d'un ensemble de dessins témoins de cette idylle, que la jeune femme commente elle-même avec la poésie qui est son moyen d'expression. Ils expriment une tendresse, une sincérité, et même une pudeur pour une fois dénuées de cynisme. Et, après tout, peut-être Geneviève a-t-elle raison quand elle écrit avec une imprudente naïveté : « Je crois avoir été le seul amour profond et vraisemblablement le dernier amour de Picasso. »
Spontanéité.
Les dessins traduisent surtout la spontanéité. Comme toujours, Picasso dessine avec ce qu'il a sous la main : crayon, plume, fusain... Le 27 juillet, c'est d'un stylo bille bleu qu'il s'empare pour représenter Geneviève en petit pull marin rayé, à la mode du Saint-Trop' des années 1950. Il donne à la jeune femme l'allure de la collégienne qu'elle était lors de leur première rencontre, accentuée par les grands yeux naïfs sagement encadrés de boucles brunes. Ce joli dessin est aussi le plus apprécié des experts qui en attendent entre 150 000 et 200 000 euros. Les quatre autres exécutés dans la foulée ce même 27 juillet sont estimés entre 80 000 et 130 000 euros.
Cette apparente sagesse et cette ingénuité s'expriment un mois plus tard dans le dessin de « Geneviève en mariée » daté du 29 août, une mariée aussi conventionnelle que virtuelle, avec voile, bouquet et pose convenue devant la cheminée du salon. Le lendemain, il la montre en impudique odalisque endormie, d'un trait de crayon qui se brouille sur la toison du pubis, en écho à la chevelure noire éparse sur l'oreiller. La même symbolique se retrouve dans « La Toilette » où l'on voit Geneviève nue, se coiffant debout devant une table.
D'autres dessins sont plus sibyllins, comme celui du « Sphinx aux trois oiseaux », encre de Chine datée du 29 juillet, où l'on reconnaît le front bombé et les petits seins de Geneviève (70 000/90 000). Dans « L'Amour peintre », Picasso se représente lui-même sous la forme d'un Cupidon sans ailes tendant un miroir à la jeune femme nue assise en tailleur. Cette œuvre hautement symbolique, créditée de 100 000/130 000 euros est une des rares dédicacées « pour Geneviève ». La plupart, s'ils sont scrupuleusement datés, ne sont en effet pas signés. Soi-disant pour mettre la jeune femme à l'abri des cambriolages !
Lundi 27 juin, 21 h, hôtel Dassault, Rond-point des Champs-Élysées, Artcurial.
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