DES VIOLATIONS présumées du secret professionnel dans un cabinet varois de médecine du travail, géré par des entreprises, font l'objet d'une information confiée à un juge d'instruction de Toulon. Une plainte, touchant à la loi Informatique et libertés, avait été déposée en mars-avril 2004, par l'intermédiaire de l'Ordre, par la plupart des 70 praticiens de l'Association interprofessionnelle de médecine du travail du Var (Aimt 83). Ils dénonçaient le fait que des cadres administratifs de l'Aimt 83 possédaient un code leur donnant accès aux dossiers médicaux des salariés.
« Un problème semblable existe à Pau. Les deux situations montrent combien l'informatique réclame une vigilance accrue, dit au « Quotidien » le Dr Mireille Chevalier, secrétaire générale du Syndicat national des professionnels de la santé au travail. Il est impératif de séparer le secteur administratif du secteur médical. Cela repose sur des chartes de fonctionnement, fondées sur l'éthique, dans tous les services concernés. » Or ces chartes font souvent défaut.
Des logiciels agréés, contrôlés par des instances indépendantes.
L'affaire remonte à l'installation, en 2000, du logiciel de l'Aimt 83 qui renferme les dossiers médicaux de 175 000 salariés. Le Dr Patrick Fortin, chargé de veiller aux accès du logiciel en tant que « superadministrateur », s'aperçoit à la fin de 2003 qu'un informaticien, « faussement déclaré comme médecin », a modifié son propre dossier « à des fins de formation ». Par la suite, un adjoint de direction s'invite sur le site et, progressivement, les cadres administratifs y arrivent aussi. « L'informatique a ouvert des facilités » aux intrus, commente le praticien. « Par des portes dérobées », n'importe qui peut entrer là où il n'est pas convié. « Le médecin ne peut pas faire confiance à un logiciel. » Gare au dossier médical partagé ! « Une réflexion sur le sujet, à l'échelon national, serait la moindre des choses », estime le Dr Patrick Fortin.
A Toulon, ce n'est pas le logiciel en lui-même qui est en cause, mais « un problème d'utilisation ». Aussi, il serait judicieux que « des instances indépendantes, comme l'Inspection du travail ou l'Ordre, délivrent des agréments pour les logiciels médicaux et, surtout, contrôlent périodiquement l'usage qui en est fait par rapport aux bonnes pratiques et aux règles déontologiques ». « Si tout le monde faisait son travail, il n'y aurait pas dérapage », pense le médecin toulonnais. Les tout nouveaux « correspondants informatiques pour la sécurité des données », exigés par la commission Informatique et libertés, « sont soumis à la pression des employeurs », souligne le Dr Fortin.
Pour le Dr Catherine Bonnin, directrice médicale du Service interentreprises de santé au travail d'Ile-de France pour le bâtiment (Seine-et-Marne exclue)*, qui comprend 54 médecins équivalent temps plein, les « garde-fous existants sont suffisants ». L'accès au logiciel est unique et réservé aux médecins, individualisé ou collectif dans la mesure où le secret partagé est en jeu. En outre, les auxiliaires médicaux peuvent ouvrir un dossier dans sa partie administrative ou paramédicale. Mais alors, pourquoi Toulon ou Pau ? Peut-être n'ont-ils pas eu recours à la Commission de contrôle des services de santé au travail, ou à la Commission médico-technique des médecins, composée de représentants élus de la profession, qui se réunit trois fois par an ? En somme, « les feux rouges » pour préserver le secret professionnel ne manquent pas et, « comme au temps des dossiers papiers », des gens « les grillent », constate le Dr Bonnin.
De leur côté, les cabinets libéraux ne sont pas à l'abri d'une « secrétaire indiscrète », ou d'un « patient féru d'informatique entré par effraction ».
Le médecin du travail, « ni vendu à l'employeur ni à la botte des syndicats », doit rester vigilant pour garder son indépendance**. Seuls les accidents et les maladies professionnels justifient une levée légale du secret médical.
* Association loi 1901 gérée à moitié par les patrons, à moitié par les salariés.
** Le médecin du travail, habilité à opposer le secret professionnel, est un salarié protégé : il ne peut être licencié en période d'essai, ou changé de secteur, voire d'entreprise (art. 241-3 du code du travail renforcé par le décret du 28 juillet 2004).
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