SOCIETE DE NEPHROLOGIE ET SOCIETE FRANCOPHONE DE DIALYSE- 6e REUNION COMMUNE-Marseille - 28 septembre - 1er octobre

L'inflammation chronique concourt au risque cardio-vasculaire

Publié le 27/09/2004
Article réservé aux abonnés

Chez les insuffisants rénaux

L'IMPORTANCE de l'inflammation au cours de l'insuffisance rénale chronique a été soulignée récemment, au vu des résultats de plusieurs études menées tant dans la population générale que sur des cohortes de patients en dialyse. Ces études ont montré que l'élévation de la protéine C réactive (CRP) est un facteur de risque cardio-vasculaire. Or la population des dialysés est connue pour sa mortalité cardio-vasculaire élevée. Celle-ci rend compte, en effet, de pratiquement trois quarts des décès des patients traités par dialyse. Le risque d'infarctus du myocarde chez ces patients est identique à celui d'un sujet qui a déjà eu un événement de ce type. Il est donc majeur et ce d'autant plus que le malade est jeune. Plusieurs facteurs concourent à ce risque, l'inflammation chronique entre autres. Dans l'étude prospective Biche, présentée à ce congrès, plus de la moitié avaient une CRP nettement supérieure à 5 mg/l. Cette étude a été réalisée sur 444 insuffisants rénaux hémodialysés dans cinq centres de la communauté urbaine de Bordeaux (1). Comme dans d'autres centres, notamment américains, ses auteurs ont constaté le fort pouvoir prédictif de mortalité de la CRP.

Les interactions inflammation-nutrition.
L'intérêt croissant pour l'inflammation dans l'insuffisance rénale chronique (IRC) s'explique aussi par ses interactions avec l'état nutritionnel des patients. Une proportion non négligeable des dialysés présente une dénutrition sévère, avec une perte de masse musculaire assez souvent évidente. Par ailleurs, différents travaux ont montré que les indicateurs nutritionnels sont prédictifs de mortalité. Il existe, notamment, une relation inverse entre le taux d'albumine et le risque de décès. Pour chaque diminution de 1 g du taux d'albumine, le risque augmente de 5 %, a montré une étude collaborative française (2).
Depuis le milieu des années 1990, on sait que la diminution des apports protéino-énergétiques n'est pas la seule cause de l'altération de l'état nutritionnel des dialysés. La mise en évidence d'interactions entre ces anomalies et l'inflammation chronique a abouti à la description d'une triade catastrophique : le syndrome MIA (malnutrition, inflammation, athérosclérose). Ce phénomène observé dans des cohortes de patients dialysés fait penser à l'athérosclérose accélérée connue chez les sujets ayant une pathologie inflammatoire chronique, comme l'infection par le VIH ou certains rhumatismes inflammatoires chroniques. L'étude Biche démontre, pour la première fois, que les effets négatifs de l'inflammation sur la survie peuvent être contrés en partie par des apports protéiques suffisants. Les apports recommandés chez ces patients, estimés à 1,2 g/kg/j, tiennent compte des pertes de protéines dans le dialysat.
Il est utile de souligner à ce propos que la nécessité de contrôler la prise de poids entre deux dialyses (pas plus de 5 %) et de prévenir l'hyperkaliémie ne doit pas conduire à utiliser un vocabulaire trop répressif. Il faut, au contraire, encourager les patients à bien manger, car c'est la technique de dialyse qui, dans la mesure du possible, doit s'adapter au malade et non l'inverse.

Approches techniques et médicamenteuses.
A côté des étiologies curables (cancers, maladies auto-immunes, maladies inflammatoires...), l'inflammation chronique chez l'insuffisant rénal peut être due à des causes particulières liées au traitement, notamment par l'hémodialyse. Il faut rappeler ici que lors de chacune des nombreuses dialyses que subit un patient - de l'ordre de 156 par an en moyenne -, son sang est en contact avec environ 150 litres de dialysat, dont il n'est protégé que par une membrane de quelques microns d'épaisseur. Le risque dépend également de la qualité de la production d'eau et du circuit extracorporel (CEC). Avec un débit de 300 ml/min et un volume de sang de 70 l ou plus, qui passent dans le CEC, le risque de contamination en présence du moindre germe dans cette chaîne est évident. Les malades dialysés sont aussi exposés aux infections (15 à 20 % des causes de mortalité) du fait de l'abord vasculaire qui, dans la majorité des cas, constitue la porte d'entrée des germes. C'est donc sur ces paramètres techniques, en particulier, que se fondent les stratégies visant à réduire l'état inflammatoire chronique des patients dialysés. Le centre de dialyse de l'hôpital Sainte-Marguerite de Marseille est un des centres de référence dans le traitement de l'eau. L'intérêt d'une eau de bonne qualité concerne non seulement l'inflammation chronique, mais aussi l'amylose. Cette complication spécifique de la dialyse au long cours se traduit par des dépôts de bêta 2-microglobuline qui peuvent probablement être favorisés par une eau de qualité incertaine. Enfin, certains médicaments, comme les statines, pourraient aussi présenter un intérêt dans cette indication, mais leur efficacité, en cours d'évaluation, reste à prouver.

D'après un entretien avec le Pr Christian Combe, département de néphrologie, hôpital Pellegrin, Bordeaux.
(1) Chauveau P.1, Cazin M. C.1, Bourdenx J. P.2, de Précigout V.1, Lasseur C.1, Vendrely B.1, Montaudon D.1, Normand M.3, Seniuta P.4, Combe C1. Interactions entre nutrition et inflammation dans l'étude Bordelaise de l'Inflammation Chronique en HEmodialyse (BICHE). Résultats à deux ans.
1 : Centre hospitalier universitaire, 2 : CTMR Saint-Augustin, 3 : clinique Saint-Martin, 4 : clinique Bordeaux-Nord, Bordeaux.
(2) Combe C, Chauveau P, Laville M, Fouque D, Azar R, Cano N, Canaud B, Roth H, Leverve X, Aparicio M. Influence of Nutritional Factors and Hemodialysis Adequacy on the Survival of 1,610 French Patients. American Journal of Kidney Diseases. 2001; 37 (suppl 2) : S81-S88.

> Dr CATHERINE FABER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7599