LES SOCIÉTÉS savantes comme la SFU (Société française d'urologie) considèrent aujourd'hui que ne peut relever d'un traitement que l'infection urinaire symptomatique, c'est-à-dire celle qui s'accompagne de signes ou de symptômes témoignant d'une invasion tissulaire. Et que c'est seulement dans ce cas qu'il est licite de parler d'infection urinaire.
Si des germes sont décelés à l'examen bactériologique, mais en dehors d'une symptomatologie, on parle de colonisation des voies urinaires.
Il est maintenant démontré qu'il est inutile et dangereux de traiter une bactériurie asymptomatique car on risque de sélectionner des germes résistants aux antibiotiques.
Il y a une raison en termes de santé publique. Il arrive que certaines patientes ne peuvent se débarrasser d'une colonisation, alors qu'elles ne souffrent plus.
«Les médecins qui font un contrôle Ecbu après une infection urinaire, s'ils redécouvrent un germe, ne doivent plus être tentés de recommencer à traiter», souligne le Dr Pierre Simon. Une conférence de consensus a établi la rationalité de cette attitude en se fondant sur des données longitudinales de nombreuses études.
Un autre problème récemment mis au jour est celui des infections urinaires considérées à tort comme nosocomiales. «On a trop mis dans le cadre des infections nosocomiales des colonisations des voies urinaires par des germes de l'hôpital. Et notamment chez des personnes âgées. La colonisation n'est, là encore, pas synonyme d'infection urinaire véritable.» La fréquence des infections nosocomiales a été majorée parce que l'on y a inclus les bactériuries asymptomatiques.
Lors du dernier séminaire d'uro-néphrologie organisé par le groupe de la Pitié-Salpêtrière, le Pr Richard a attiré l'attention sur cette question.
Dans un cas comme dans l'autre, il convient de ne pas traiter. Une antibiothérapie risque de sélectionner des germes et de déclencher des résistances. Le but est de respecter la flore naturelle. C'est également vrai chez les femmes âgées.
Deux cas particuliers.
Il y a deux circonstances toutefois où il est nécessaire de traiter en présence d'une bactériurie asymptomatique, pour prévenir une complication sévère :
–chez les femmes enceintes d'abord, compte tenu du fait que l'arbre urinaire est comprimé par la grossesse. Il se produit parfois un phénomène d'hydronéphrose physiologique quand le foetus a atteint une certaine taille, avec une dilatation des voies urinaires. Ces circonstances, associées à la présence d'une bactériurie asymptomatique, favorisent la survenue d'une pyélonéphrite gravidique. Avec des risques de complications infectieuses potentiellement graves pour le foetus ;
–chez les diabétiques, ensuite, qui représentent la deuxième exception. Chez le diabétique, la pyélonéphrite peut être totalement silencieuse du fait des atteintes neuropathiques. La symptomatologie peut être absente, mais une bactériurie asymptomatique doit être traitée. Surtout, si la patiente a atteint un stade où l'insuffisance rénale est en train d'apparaître, elle doit être protégée du risque de pyélonéphrite.
Une contamination simple ne se traite pas par antibiotiques, c'est vrai chez les femmes âgées (de 10 à 15 % des femmes en institution ont une contamination des voies urinaires).
Le traitement de l'infection urinaire est maintenant bien codifié. Après examen des urines à l'aide de bandelettes réactives (l'Ecbu initial et l'Ecbu de contrôle ne sont pas indispensables), on choisit maintenant de préférence, et selon les recommandations, un traitement court (un ou trois jours) :
• actuellement, quatre produits peuvent être utilisés pour un traitement par dose unique ou « traitement minute » : Bactrim Forte (3 cp en une seule prise), Péflacine monodose (2 cp en une seule prise), Monuril (un sachet de 3 g en une seule prise) ou Uniflox (1 cp en une seule prise) ;
• un traitement de trois jours peut être réalisé par : Logiflox (1 cp à 400 mg le soir) ; Noroxine (2 cp par jour), Pipram fort (2 cp par jour).
Mesures hygiéno-diététiques.
Les mesures hygiéno-diététiques de prévention des récidives seront associées : boissons abondantes, miction postcoïtale, hygiène correcte et sans excès, régularisation du transit intestinal...
La récidive impose la recherche d'une cause, sans répéter à outrance les examens.
On invoque des défaillances du système immunitaire des muqueuses en cas d'infection urinaire à répétition. Les antibioprophylaxies à doses filées ont fait la preuve de leur efficacité (ex. : Furadantine 1 cp/j le soir pendant six mois).
Il faut mentionner l'usage du jus de canneberge, «très en vogue en Amérique du Nord, cousine de notre jus de myrtille. Ces jus de fruits rouges ont la propriété de retarder la fixation des germes sur la muqueuse urinaire et sont particulièrement indiqués chez les femmes qui font des infections à répétition. Ils en espacent les rechutes».
* Article rédigé avec l'aide du Dr Pierre Simon, néphrologie, hôpital de Saint-Brieuc.
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