Un équipe de chercheurs suisses (hôpital universitaire de Zurich) démontre que la localisation des cellules dans lesquelles s'accumulent les prions avant d'entrer dans le système nerveux influence la cinétique de la progression de la maladie neurodégénérative causée par ce type de protéine pathogène : plus ces cellules sont proches de terminaisons nerveuses et plus les prions envahiront rapidement le système nerveux pour le détruire.
Pour pénétrer dans l'organisme, les prions utilisent généralement la voie digestive. Les prions s'accumulent ensuite rapidement au niveau des organes lymphoïdes et s'y répliquent intensément avant de procéder à la neuro-invasion. C'est cette entrée dans le système nerveux qui conduira au développement de la maladie neurologique progressive. Cependant, le mécanisme par lequel le prion est transféré du système immunitaire au système nerveux reste mystérieux.
L'innervation des organes lymphoïdes
Les seules donnée connues sont les suivantes : au sein des organes lymphoïdes secondaires, les prions s'accumulent plus particulièrement dans les cellules dendritiques folliculaires, indispensables au phénomène de neuro-invasion. En effet, si des prions sont inoculés à des souris dépourvues de cellules dendritiques folliculaires, les animaux ne développeront pas de pathologie neurodégénérative. Par ailleurs, l'ablation des cellules B empêche elle aussi l'invasion du système nerveux par les prions.
Les chercheurs à l'origine de cette découverte suggèrent que le phénomène est probablement dû au fait que les lymphocytes B transmettent aux cellules folliculaires dendritiques des signaux dépendants des lymphotoxines. Enfin, il est apparu que l'innervation des organes lymphoïdes est également nécessaire à l'entrée des prions dans le système nerveux : une sympathectomie freine la progression de la maladie alors qu'une hyperinnervation l'accélère. Quoi qu'il en soit, aucune synapse physique entre les cellules folliculaires dendritiques et les terminaisons des nerfs sympathiques n'a jamais pu être observée.
La distance des cellules folliculaires dendritiques
Printz et coll. ont eu l'idée de regarder si la distance séparant les cellules folliculaires dendritiques des nerfs spléniques affectait la cinétique de la neuro-invasion par les prions. Pour ce faire, ils ont utilisé des souris génétiquement modifiées qui n'expriment plus le récepteur à chimiokine CXCR5. Chez ces animaux, les cellules dendritiques folliculaires sont plus proches des nerfs spléniques que chez des souris sauvages.
La modification génétique et les changements anatomiques qu'elle entraîne n'affectent en rien l'accumulation et la réplication du prion à l'intérieur des organes lymphoïdes secondaires ni sa propagation à l'intérieur du système nerveux central (en cas d'inoculation intracrânienne). En revanche, le passage des prions depuis les organes lymphoïdes vers la moelle épinière et le reste du système nerveux est significativement accéléré chez les souris mutantes.
Ce résultat suggère que plus la distance entre les cellules nerveuses et les cellules dans lesquelles les prions s'accumulent à l'extérieur du système nerveux central est faible et plus la neuro-invasion est rapide et efficace.
Il est alors possible d'imaginer que les prions passent d'un type de cellules à l'autre par un phénomène de diffusion passive : les protéines pathogènes seraient relarguées par les cellules dendritiques folliculaires et diffuseraient dans le milieu extracellulaire jusqu'à ce qu'elles rencontrent une terminaison nerveuse périphérique. Cette hypothèse doit être testée.
M. Prinz et coll., « Nature », édition en ligne avancée, à paraître sur www.nature.com (doi:10.1038/nature02072).
Des ARN impliqués dans la pathogénicité du prion
Le prion est un agent infectieux non conventionnel, protéique et dépourvu d'ADN ou d'ARN. Cependant, certaines molécules d'acides nucléiques de l'hôte infecté pourraient contribuer au pouvoir pathogène du prion. Deleault et coll. (Darmouth Medical School, Hanover, New Hampshire) ont en effet découvert que, in vitro, la transformation des protéines prions « normales » en protéines prions pathogènes est beaucoup plus efficace lorsqu'elle se déroule en présence d'ARN.
La nature précise des ARN impliqués dans ce phénomène n'a pas été identifiée. Cependant, les ARN les plus actifs semblent être ceux qui sont composés de plus de 300 nucléotides et qui sont copurifiés avec les ARN ribosomaux (ARN impliqués dans la production de protéines). En outre, Deleault et coll. ont pu observer que seuls les ARN issus d'organismes vertébrés étaient capables de promouvoir la transformation du prion.
Reste à vérifier si ce phénomène existe aussi in vivo.
En attendant, et indépendamment de la signification biologique de cette découverte, les travaux de Deleault et coll. pourraient servir à augmenter la sensibilité des tests de détection du prion dans les aliments et chez les patients suspectés d'être infectés.
« Nature » du 16 octobre 2003, pp. 717-720.
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