Qu’est-ce qui conduit les mâles à tuer des petits ? Les biologistes ont observé depuis une cinquantaine d’années des cas d’infanticides par les mâles chez de nombreux mammifères, de la souris grise jusqu’au lion, en passant par les langurs sacrés.
Une étude de Dieter Lukas (département de zoologie de l’Université de Cambridge) et Élise Huchard (Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive, Université de Montpellier) publiée dans « Science » ce 14 novembre, montre que l’infanticide par les mâles a une portée purement stratégique.
Les chercheurs ont compilé des observations détaillées sur plus de 260 espèces de mammifères à l’état sauvage depuis près de 50 ans (119 avec infanticide, 141 sans) pour comprendre comment les variations de l’organisation sociale encouragent ou préviennent l’infanticide par les mâles. Ils ont aussi eu recours aux récentes techniques d’analyses comparatives.
Se dépêcher de procréer
Ils ont observé que l’infanticide des mâles est lié à la possibilité pour les femelles de se reproduire tout au long de l’année et à des reprises de cycle rapide chez les mères de victimes. L’infanticide est aussi plus courant dans les groupes stables et mixtes que dans tout autre système (par exemple, chez les espèces solitaires) ; ainsi que dans les groupes où la reproduction est monopolisée par quelques mâles de façon temporaire.
Les chercheurs concluent à la présence de l’infanticide par les mâles uniquement là où il leur confère un avantage. Dans des sociétés où les femelles vivent dans des groupes dominés par un ou plusieurs mâles, comme celle des babouins Chacma, des nombreux mâles sont exclus de la reproduction ; ils tentent de prendre la place des dominants. Les puissants ne le restent pas très longtemps : ils doivent donc se dépêcher de procréer avant de perdre leur statut. Pas le temps d’attendre que les femelles aient sevré leurs petits ; les tuer permet d’accélérer leur retour à la fertilité.
La réponse des femelles : brouiller les pistes
Pour protéger leurs petits, les femelles n’ont pas choisi la voie du couple ni du regroupement entre pairs, pas plus que des changements dans la taille du groupe ou du ratio entre les sexes. Selon les chercheurs, on ne peut pas établir de lien de causalité entre l’infanticide et l’apparition de la grégarité ou de la monogamie.
Les femelles se sont plutôt défendues en s’accouplant avec un maximum de partenaires afin de brouiller les pistes sur la paternité des petits.
Conséquence, la compétition entre mâles s’est déplacée et se situe après la copulation : le vainqueur est celui dont les spermatozoïdes gagnent la compétition spermatique. Cela entraîne chez les mâles une augmentation de la taille des testicules, révélée par les reconstructions phylogénétiques opérées par les chercheurs. Et l’infanticide de disparaître defacto lorsqu’il n’apporte plus de bénéfice aux mâles, qui risquerait de tuer leur petit.
Dieter Lukas et Élise Huchard mettent ainsi en évidence la « nature réversible de l’infanticide » dont la distribution chez les mammifères est une « conséquence des contrastes sociaux et des systèmes d’accouplement, reflétant les variations d’intensité dans le conflit entre et parmi les sexes ».
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