Moyennant des mesures radicales
« NOUS CONCLUONS donc que le tabagisme est un facteur, et un facteur important, de la genèse du cancer du poumon. » Les auteurs de ces lignes, R. Doll et A.B. Hill, ont évoqué un risque « à peu près directement proportionnel à la quantité de tabac fumée ». C'est ainsi qu'a commencé, en 1950, le procès médical du tabac. Dans les années 1990, le tabac a été responsable d'environ 30 % des décès chez les 35 à 69 ans dans les pays riches et de 3 millions de décès chaque année dans le monde. Ces chiffres sont en constante augmentation. Il est, par exemple, prévu, vers les années 2020 à 2030, environ 10 millions de décès par an, selon les prévisions de R. Peto. La réduction de ces chiffres nécessite de toute évidence des mesures radicales, mais également réalisables et politiquement acceptables.
Un emballage générique, un contenu normalisé.
Dans cet esprit, R. Borland, directeur du Vichealth Centre for Tobacco Control (Australie), a récemment proposé d'« apprivoiser les tigres », selon son expression imagée. Sa méthode consisterait à dissocier les sociétés responsables du marketing et des ventes du tabac, d'un côté, et de sa production, de l'autre. Si elles étaient monopolistiques, les premières pourraient ainsi spécifier les produits qu'elles désirent acheter en gros et définir les conditions de revente. Elles pourraient également définir des standards d'emballage, d'étiquetage, de composition du tabac et de pratiques de vente.
Les cigarettes devraient, dans l'avenir, avoir une composition chimique identique dans tous les pays. Cette composition devrait être déterminée principalement, mais non exclusivement, à l'aide de systèmes standardisés. La teneur en goudrons, confondante, ne devrait pas être mentionnée, et le contenu en nicotine devrait être indiqué sous forme de masse par cigarette (par exemple : « chaque cigarette contient 12 mg de nicotine »).
Les filtres sont inefficaces.
Les filtres utilisés pour rendre les cigarettes plus légères exploitent la technique de la dilution de la fumée. Le filtre comporte en effet des microperforations invisibles qui diluent le flux principal de fumée avec de l'air ambiant lors des mesures en machine. Mais ces filtres sont écrasés par l'humidité et la pression des lèvres du fumeur, ce qui les rend inefficaces. Ils ne devraient donc pas être employés.
Les biais de mesure et de modifications de la ventilation du filtre par le fumeur sont également liés au phénomène de compensation. Le fumeur recherche en effet une dose de nicotine associée au goût des goudrons. Une cigarette dite légère, pauvre en nicotine, va ainsi provoquer chez le fumeur une augmentation du volume des bouffées et un raccourcissement de leur intervalle. Deux études randomisées, où la moitié des fumeurs ont été invités à changer pour des cigarettes légères, ont montré une complète ou quasi complète compensation pour la nicotine, comme cela a été montré par C.H. Withey et coll. dans un article publié dans « The Journal of Epidemiology & Community Health » en 1992, ainsi que par C. Frost et coll. dans la revue « Thorax » en 1995. En cas de compensation, le comportement du fumeur change la couleur et l'aspect des mégots, qui prennent alors l'apparence d'une cocarde.
Des teneurs en nicotine variable.
En outre, les additifs devraient être acceptés s'ils sont utiles en termes de santé publique. Les sucres et l'ammoniac devraient être interdits. Les premiers sont utilisés pour augmenter l'attrait des cigarettes pour les jeunes, masquer certains goûts, ainsi que les effets négatifs initiaux du tabac, et modifier les effets pharmacologiques de la nicotine.
L'ammoniac, quant à lui, a pour dessein d'accroître la fraction libre de la nicotine qui devient plus volatile et est absorbée plus rapidement. Elle parvient ainsi en plus grande quantité et plus rapidement au cerveau, renforçant l'effet d'impact. La composition des cigarettes devrait respecter des limites variables en fonction du temps. Des teneurs en nicotine variables devraient être mises sur le marché afin d'être adaptées aux divers consommateurs. Les fumeurs pourraient ainsi choisir des cigarettes à teneur élevée ou basse, en fonction de leurs besoins. Une réduction globale et harmonieuse de la teneur en nicotine devrait être envisagée.
L'emballage devrait être simple et générique, et comporter des avertissements sanitaires, comme c'est actuellement le cas. La vente, réservée aux adultes, ne devrait pas faire l'objet de promotions. Dans ces conditions, le profit des entreprises du tabac pourrait être important. La recherche de cigarettes moins nocives devrait être encouragée, voire soutenue financièrement.
L'European Respiratory Society n'est pas absente du débat et organise au printemps 2005, à Lausanne, un séminaire de recherche sur la réduction du risque lié au tabac et de la consommation de cigarettes.
D'après un entretien avec le Pr Yves Martinet (service de pneumologie, hôpitaux de Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy), le symposium How to Control Smoking in Europe as a Pulmonologist » et l'éditorial publié par N. Gray dans le « Lancet » du 17 juillet 2004.
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