L'INDUSTRIE du médicament se prépare à vivre une mutation historique en matière d'emplois, dont elle peine à mesurer les conséquences. Une étude prospective, réalisée pour l'Observatoire des métiers du médicament (qui fête ses 10 ans d'existence), conclut à une « rupture » sans précédent de l'évolution de l'emploi mais aussi du contenu des métiers dans les dix années à venir. Le défi est donc à la fois démographique et qualitatif. Avec 40 000 partants programmés d'ici à 2012 sur 100 000 salariés (départs massifs à la retraite, renouvellement des compétences), et un besoin de profils de plus en plus qualifiés (biotechnologies, génomique, double compétence biologie/droit...), le secteur de la pharmacie, qui vient de créer 2 000 emplois nets en 2003, est à la croisée des chemins.
Le Leem, qui défend les intérêts des entreprises du médicament, a imaginé deux scénarios : dans le premier, pessimiste, le niveau des embauches possibles serait limité à 15 000 personnes dans les dix prochaines années. Incapable de compenser les départs, le secteur perdrait donc au total 25 000 emplois avec à la clé « une population vieillissante, une faible mobilité et une faible possibilité de renouveler ses compétences face à des technologies en évolution ». Le deuxième scénario, que le Leem veut évidemment « réussir » aboutirait à recruter jusqu'à 60 000 personnes sur la période. Encore faut-il que l'environnement économique soit favorable à la recherche et à la production des nouveaux médicaments. Pour Pierre Le Sourd, président du Leem, il appartient au pouvoir politique de créer rapidement les conditions d'un « cercle vertueux » valorisant la capacité d'innovation des industriels et donc l'emploi. Une prise de position qui n'est pas anodine en pleine réforme de l'assurance-maladie.
Numerus clausus pénalisant.
Quel que soit le scénario, certains recrutements s'annoncent délicats, notamment dans la recherche et le développement : outre la désaffection des jeunes pour les études scientifiques et la concurrence frontale de pays plus attractifs (Etats-Unis, Canada), l'industrie pharmaceutique française peine à attirer les profils de médecins dont elle a besoin. « Le numerus clausus continue de peser sur notre capacité de recrutement », souligne Druon Note, président de la commission des affaires sociales du Leem. Suivi des produits, études cliniques, pharmacovigilance, relation avec les universitaires : les postes proposés seront pourtant nombreux (actuellement le secteur de la pharmacie emploie 3 000 médecins). Mais les carabins seraient, selon le Leem, très peu informés sur ces débouchés potentiels, certes très différents de l'orientation naturelle (pratique médicale). « Dans les facs, les jeunes n'ont pas assez conscience des belles carrières à faire dans ce secteur », soutient Emmanuelle Garassino, responsable de l'Observatoire des métiers, de l'emploi et de la formation au Leem. Pour changer la donne, le syndicat propose d'agir dès les études médicales en intégrant des formations sur le médicament, la recherche clinique, la pharmacovigilance ou la politique de santé et de permettre la possibilité de nombreux stages en industrie.
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