POURQUOI LES ENFANTS traités à l'hormone de croissance avant novembre 1983 n'ont-ils pas développé la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) ? A la onzième semaine (14-18 avril) du procès des Prs Job, Dray et Dangoumau, des Drs Mugnier et Gourmelen et de MM Mollet et Cerceau, devant la 31e chambre correctionnelle de Paris, aucune réponse sûre n'a pu être apportée par les scientifiques venus à la barre. Au total, en France, 1 698 jeunes ont subi un traitement à partir d'hypophyses humaines prélevées sur des cadavres, de 1960 à 1988, année où l'hormone de synthèse a fait son apparition. Parmi eux, 111 sont morts à ce jour de la MCJ, car certaines des hypophyses étaient contaminées. «Quand on recoupe ces cas (de décès) , tous ont reçu de l'hormone de croissance de novembre 1983 à juin 1985. Aucun enfant dont le traitement s'est terminé avant novembre 1983 n'a été contaminé», a souligné le Pr Thierry Billette de Villemeur, chef de service de neuropsychiatrie à l'hôpital parisien Trousseau, responsable du Centre national de référence de la MCJ.
A partir de juin 1985, l'association France Hypophyse, qui gère le traitement, décide, suite à un premier décès par MCJ aux Etats-Unis, de purifier systématiquement le processus de fabrication de l'urée. Dès lors, les infections s'arrêtent. Mais pourquoi tout se passe-t-il bien avant novembre 1983 ? «C'est un point suffisamment marquant pour qu'il y ait une explication quelque part, moi je ne l'ai pas», avoue, hors de la salle d'audience, le scientifique.
Un effet cumulatif ?
Pour l'accusation, si les décès ne renvoient qu'aux traitements d'après novembre 1983, c'est que l'époque correspond à une «intensification» des prélèvements d'hypophyses pour faire face à la demande. «Les graves fautes d'imprudence et de négligence ont été révélées avec un effet cumulatif et une intensité plus grande» à ce moment-là, estiment les enquêteurs. Sans compter l'introduction en 1983 d'une méthode d'extraction par voie buccale, bien plus risquée car elle arrachait des tissus nerveux alentours. Du côté de la défense, on invoque l'importation massive, en 1984, d'hypophyses bulgares.
«C'est quand même troublant que soient simultanés leur achat en très grande quantité et le début des contaminations», fait remarquer Me Guy-Charles Humbert, conseil du Dr Elisabeth Mugnier, chargée de la collecte dans les hôpitaux. Les hypophyses bulgares arrivaient souvent «en mauvais état», insiste également Me Daphné Bès de Berc, avocate du Pr Jean-Claude Job, ancien dirigeant de France Hypophyse, en soulignant que le magistrat instructeur n'a pas pu se rendre à Sofia pour enquêter. Quel que pourrait être un éclairage scientifique sûr, l'accusation met en avant une autre constatation faisant douter du sérieux des méthodes de France Hypophyse et de l'Institut Pasteur : aucun enfant traité à l'hormone de croissance produite par les grands laboratoires internationaux n'a été contaminé.
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