E NVISAGER les conséquences du départ du Medef des conseils d'administration des caisses de Sécurité sociale et notamment de l'assurance maladie est un exercice obligé auquel se livrent de bonne grâce les représentants syndicaux qui siègent aussi dans cette instance, même si de leur point de vue rien n'est encore fait. « Le patronat n'est pas encore parti », constate-t-on simplement à Force ouvrière.
D'autant que le gouvernement avait lui-même anticipé la réponse, en indiquant qu'au cas où les représentants patronaux partiraient, les quorums étant atteints dans tous les conseils d'administration, ceux-ci conditions « pourraient continuer à fonctionner».
De fait, à la Caisse nationale d'assurance-maladie, on se veut plutôt rassurant. D'abord, parce que les administrateurs patronaux continuent, dans l'immédiat, à siéger jusqu'à l'expiration de leur mandat, le 30 septembre. Ensuite, parce que la composition actuelle du conseil d'administration, qui n'est pas strictement paritaire, permet effectivement de le réunir sans les représentants patronaux. Composé de 33 membres, il comprend 13 représentants patronaux et 13 représentants des salariés auxquels s'ajoutent 4 personnalités qualifiées et trois représentants de la Mutualité française. Or, le quorum nécessaire pour siéger a été fixé à la moitié des représentants plus un.
Le temps de la négociation
Par ailleurs, le « délai de grâce » accordé par le patronat laisse la place, de l'avis de l'ensemble des représentants syndicaux, à la négociation. La CFDT a clairement appuyé la démarche et la CFTC a demandé au gouvernement de convoquer « sans délai une réunion de la dernière chance ». « Je me méfie des faux départs, insiste de son côté Jean-Claude Mallet, secrétaire confédéral Force ouvrière chargé de la protection sociale et ancien président de la CNAM. Le Medef utilise habilement une période où il n'y a aucun risque. » On laisse d'ailleurs entendre à la CNAM que la date du 31 juillet fixé par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité pour la désignation des nouveaux administrateurs n'est pas une date-butoir et que les discussions pourront se poursuivre au-delà. L'administrateur de la CTFC à la CNAM, Alain Honoré plaide pour que le gouvernement proroge le mandat des administrateurs autant que nécessaire.
Il faut dire que les représentants syndicaux, dans leur majorité, n'envisagent guère en l'état la gestion de l'assurance-maladie sans le patronat. « Si cette perpective devenait réalité, c'est tout le paritarisme dans la Sécurité sociale qui vole en éclats », a commenté la secrétaire nationale de la CFDT, Nicole Notat. « Nous sommes très attachés au paritarisme. Nous souhaitons donc qu'une solution soit trouvée. C'est une crise qu'il faut arriver à résoudre », insiste encore André Hoguet, le représentant de la CFTC à la CNAM. FO et la CGT demeurent cependant critiques à l'égard de la démarche du Medef. « On ne peut pas souhaiter développer la concertation dans le cadre de la refondation sociale et poser dix conditions sine qua non. Ce n'est pas comme ça que l'on négocie », estime Donat Décisier qui siège pour la CGT au conseil d'administration de la CNAM.
« Tout est envisageable »
« La démarche est grotesque, assure Jean-Claude Mallet. Le Medef demande ce que nous réclamions il y a cinq ans quand nous nous sommes opposés au plan Juppé. A l'époque, on nous a cloués au pilori. Aujourd'hui, le discours est considéré comme politiquement correct. Avec cependant une différence : nous ne sommes pas favorables à une opposabilité de l'objectif des dépenses d'assurance maladie.»
L'après-Medef est quand même une hypothèse qu'ils n'écartent pas, mais avec une certaine prudence. « Tout est envisageable. Je suis incapable pour le moment de dire selon quelles modalités et sur quelles bases on fonctionnera. Techniquement et numériquement, il n'y pas de problèmes ; mais cela poserait des problèmes en terme d'équilibre et de fonctionnement. Le gouvernement ne pourra faire alors l'économie d'une réflexion sur la composition des conseil d'administration », analyse Donat Décisier. En tout état de cause, une telle éventualité conduirait, selon les membres du conseil d'administration, à redéfinir une nouvelle majorité de gestion. « Nous continuerons à jouer notre rôle et à défendre les salariés, mais il faudra alors se mettre tous autour de la table pour voir comment on organise une majorité de gestion et pour que ça fonctionne , estime André Hoguet. « Une gestion par les seules organisations syndicales peut très bien se concevoir, ajoute Jean-Claude Mallet, on cite souvent l'exemple du régime d'Alsace-Moselle. Mais sans le Medef, je ne vois pas comment la CFDT peut continuer à assurer la présidence. Ce n'est pas une question d'arithmétique, c'est bien plus grave. C'est qu'elle a échoué dans l'application de la réforme. Ce qui nous intéresse, ce n'est pas qui mais pour quoi faire ? »
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