TOUT SIMPLEMENT huit ans de prison ferme. C'est la transformation de peine que le procureur Jean-Jacques Bosc devrait proposer ce matin au tribunal correctionnel de Créteil, pour adapter en droit français les huit années de travaux forcés auxquels la justice tchadienne a condamné le 26 décembre les six membres de l'opération Arche de Zoé. Reconnus coupables de tentative d'enlèvement sur 103 enfants, incarcérés depuis deux semaines à la maison d'arrêt de Fresnes, en application de la convention franco-tchadienne d'entraide judiciaire, ils devraient bénéficier d'une défense solidaire.
Avocate du Dr Philippe Van Winkelberg, Me Céline Lorenzon entend «plaider l'impossibilité de transformer une peine qui a été prononcée en violation caractérisée de la Convention européenne des droits de l'homme: l'instruction, argumente-t-elle, a été bâclée et menée exclusivement à charge en moins de six semaines, le tribunal n'a pas examiné les pièces présentées par la défense et il n'a pas départagé les condamnations selon les responsabilités très diverses des prévenus, les confondant dans le même sac pénal. Bref, l'arrêt de la cour de N'Djamena constitue un déni de justice que les juges français ne sauraient avaliser en se prêtant à une procédure de transformation de peine. Nous ne pouvons envisager une autre issue que la remise en liberté immédiate de nos clients. Une mesure qui manifesterait avec éclat le courage et l'indépendance des magistrats français».
Travaux forcés et travaux d'intérêt général.
En tout état de cause, «l'idée avancée parfois d'un aménagement des travaux forcés en peine de travaux d'intérêt général ne peut que prêter à sourire, note, pour sa part, l'avocat de l'infirmière Nadia Merimi, Me Mario Stasi. Accepter le principe d'une culpabilité des condamnés en se prêtant à une transformation de peine reviendrait à acquiescer à la violation fondamentale du droit que constitue l'arrêt de N'Djamena. Il n'est pas question de demander un quantum de la peine, sous forme de réclusion criminelle ou autre».
L'ancien bâtonnier ne cache pas sa «totale perplexité juridique» avant l'audience de ce matin : «Ni avec le Tchad ni avec aucun autre pays, aucune juridiction ne s'est jamais trouvée devant une situation pareille. Personne ne peut donc évaluer la margede manoeuvre des magistrats de Créteil.Le président, Xavier Raguin, et ses deux assesseurs ne pourront pas s'appuyer sur la moindre jurisprudence.» N'étant pas habilité à apprécier l'affaire sur le fond, on ignore même si le tribunal acceptera d'examiner les témoignages de moralité que les avocats ont l'intention de produire. Après la troisième marche silencieuse organisée samedi à Castellane (Alpes-de-Haute-Provence), le comité de soutien au Dr Philippe Van Winkelberg veut « alerter le TGI sur le problème de sécurité sanitaire et publique créé, selon ses membres, par le maintien en détention du généraliste». Rappelant ses «engagements à l'hôpital public ainsi que ses compétences d'urgentiste auprès des sapeurs-pompiers (il a grade de médecin capitaine) », le comité insiste sur «les interventions de secours périlleuses opérées dans les gorges du Verdon, où les sports d'eau vive occasionnent de nombreux accidents généralement graves. Le DrVan Winkelberg s'est formé pour intervenir dans ces circonstances. Aussi nous ne cachons pas que c'est avec une grande inquiétude que nous appréhendons l'avenir en son absence».
«Malgré les signatures de tous les élus locaux et départementaux, de tels témoignages risquent de ne pouvoir être examinés à l'audience, prévient Me Lorenzon, si le président considère qu'il n'a pas à apprécier la moralité des condamnés.»
Le tribunal devrait mettre sa décision en délibéré. Quelle qu'elle soit, elle conditionne tous les recours qui ne manqueront pas d'être déposés par les condamnés : aménagements de peine, transfèrement d'établissement pénitentiaire, appel devant les juridictions européennes. Et, bien sûr, demandes de grâce : en principe, selon les conventions franco-tchadiennes, devant le président Idriss Déby. Mais cela est une autre histoire, plus diplomatique que judiciaire.
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