Un constat pour commencer : selon l'Organisation mondiale de la santé, les pays en développement, qui comptent 76 % de la population mondiale, ne représentent que 20 % de la consommation de médicaments, et encore faut-il préciser que ce taux est en baisse, puisqu'il se situait à 24 % en 1976.
Un constat qui fait dire à Pascal Lamy, commissaire européen, invité de l'Association des cadres de l'Industrie pharmaceutique (ACIP) que « le médicament cristallise des tendances apparues au cours des quinze dernières années, comme les écarts croissants de développement, l'interdépendance globale des échanges, l'accélération des progrès technologiques qui bénéficient à une minorité, la fulgurance d'une maladie ravageuse, le SIDA ».
A l'en croire, tout cela constitue « un cocktail dangereux, voire explosif » et le médicament doit aujourd'hui devenir « un enjeu de développement équitable et durable ».
« Absence de Sécurité sociale et d'assurance-maladie, infrastructures déficientes et mal organisées, conditions d'hygiène difficiles, manque de formation, prévention insuffisante », voilà, selon le commissaire européen, ce qui caractérise les pays en voie de développement.
Avec en plus des crises sanitaires sans précédent, comme la malaria, la tuberculose, et surtout le sida, qui sont en train de bouleverser les équilibres démographiques et économiques, notamment en Afrique. Autant de constats dramatiques qui ont amené l'Union européenne à imaginer un plan d'action pour lutter en partculier contre les maladies infectieuses, avec notamment « une aide financière accrue aux infrastructures et aux politiques de santé, une intensification de la recherche-développement de médicaments adaptés et une action pour rendre plus accessibles ces médicaments ; et c'est dans cet esprit que l'Union européenne a activement contribué aux travaux de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dans ce domaine ». Avec un argumentaire apparemment imparable : « On ne doit pas opposer propriété intellectuelle, principal levier de l'innovation, et accès aux soins, il convient au contraire de concilier les deux .»
L'importance de la conférence de Doha
Et c'est en ce sens qu'a été rédigée la déclaration sur la Santé publique à la conférence ministérielle de Doha en novembre 2001 : « Cette déclaration clarifie, définit et renforce l'interprétation de certaines dispositions afin de donner aux pays en voie de développement et à l'industrie la sécurité juridique nécessaire. »
Pour Pascal Lamy, la déclaration de Doha confirme le droit des membres de l'OMC à accorder des licences obligatoires qui donnent aux pays en développement un certain pouvoir de négociation pour faire baisser les prix. Encore faut-il pour cela que ces pays disposent d'industries pour fabriquer ces médicaments, ce qui est loin d'être partout le cas. C'est pourquoi les négociations ont repris l'année dernière pour permettre aux pays producteurs d'accorder des licences obligatoires pour exporter des médicaments génériques aux pays qui ne peuvent pas les produire eux-mêmes. Un compromis a pu être trouvé à la fin de 2002, même si les Etats-Unis n'ont pas rejoint le consensus, trouvant « trop large le champ d'application du projet d'accord : à leur avis, le mécanisme devait être limité au sida, à la malaria et à la tuberculose ; pour l'instant, les discussions ont repris, mais le blocage perdure », regrette Pascal Lamy.
Le deuxième volet de l'action de la commission de Bruxelles, poursuit-il, « consiste à encourager l'industrie à livrer des médicaments aux pays pauvres à des prix les plus bas possible, pour permettre à l'industrie pharmaceutique de gagner des marchés qui n'existent pas à l'heure actuelle ». Et de fait, les initiatives individuelles de grands laboratoires se multiplient et les prix des médicaments commencent à baisser. Mais pour Pascal Lamy, « des soutiens financiers, notamment de l'Union européenne, resteront nécessaires pour combler la différence entre les prix offerts et les capacités financières des pays en difficulté ». Avec le risque que se développe un marché parallèle. La commission a donc proposé un règlement visant à interdire le retour sur le marché européen des médicaments livrés à prix réduits, et Pascal Lamy pense qu'il sera adopté rapidement. Le commissaire européen est convaincu qu'investir maintenant dans la santé des pays pauvres « c'est créer les conditions d'une croissance durable et équitable pour demain ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature