La contamination
Bactérie ubiquiste largement répandue dans l’environnement, Listeria monocytogenes est l’agent causal de la listériose humaine et animale. Les animaux s’infectent par l’intermédiaire des fourrages et des ensilages et, à leur tour, contribuent à la recontamination de l’environnement. Or ces animaux, malades ou simplement porteurs de la bactérie, peuvent constituer les matières premières utilisées en industrie agroalimentaire. L’homme se contamine alors en consommant des aliments contenant la bactérie. Normalement, la bactérie est arrêtée par une première barrière immunologique représentée par les plaques de Peyer de l’intestin et, en cas de franchissement de l’étape précédente, par une deuxième barrière représentée par le foie. En fonction de la quantité de germes ingérés et du degré d’immunodépression du sujet, Listeria monocytogenes peut franchir ces barrières et passer dans la circulation sanguine.
La clinique
Il est difficile d’évaluer précisément la durée d’incubation de la listériose car, d’une part, l’aliment en cause est rarement retrouvé (sauf au cours des épidémies) et, d’autre part, la symptomatologie est plus ou moins précoce en fonction de la durée des étapes de colonisation digestive. Néanmoins, l’incubation semble varier entre une et huit semaines.
La listériose se présente sous différentes formes cliniques chez l’adulte (hors femme enceinte) : une forme neuroméningée (environ 35 % des formes survenant chez l’adulte), plus souvent à type de méningoencéphalite que de méningite pure, une forme septicémique (environ 60 % des formes survenant chez l’adulte) et, plus rarement, des formes localisées (arthrite, infection de liquide d’ascite...). La mortalité varie de 20 à 30 % suivant les formes. La forme cutanée se rencontre principalement chez les professionnels (agriculteurs, vétérinaires...) qui se contaminent en manipulant les animaux malades.
En revanche, la forme de la femme enceinte est le plus souvent peu symptomatique, d’allure pseudogrippale, se présentant souvent comme une fièvre isolée. Cette symptomatologie peut réapparaître lors de l’accouchement. La contamination au cours des 1er et 2e trimestres conduit le plus souvent à un avortement, la contamination au cours du 3e trimestre entraîne soit une mort in utero, soit un accouchement prématuré avec un nouveau-né infecté. Dans ce cas, la forme néonatale est précoce, septicémique et mortelle dans 50 à 75 % des cas.
L’épidémiologie
En France, les cas de listériose ont considérablement diminué au cours des deux dernières décennies, passant d’environ 1 000 cas annuels supposés à un peu plus de 200 cas déclarés (en effet, la listériose est une maladie à déclaration obligatoire depuis 1998). Par ailleurs, les formes materno-foetales qui représentaient la moitié des cas il y a encore quinze ans comptent actuellement pour moins d’un quart des cas.
La diminution du nombre de cas de listériose humaine est liée principalement à une meilleure maîtrise de la contamination des aliments dans l’industrie agroalimentaire, en particulier suite aux mesures de contrôle des produits laitiers, puis aux mesures de contrôle de la charcuterie et, enfin, au renforcement de l’hygiène à la distribution et à la coupe. Plus récemment, une amélioration de la gestion des retraits des produits présentant un risque a complété les mesures précédentes.
Mais il faut souligner l’importance de la prévention individuelle concernant les patients immunodéprimés. En effet, toute personne atteinte d’une pathologie diminuant l’immunité (hémopathie, transplantation d’organe, cancer, hépatopathie, insuffisance rénale, diabète mal équilibré, éthylisme...) ou suivant un traitement immunosuppresseur (corticoïdes, chimiothérapie anticancéreuse...) présente un risque plus important de développer une listériose. Les femmes enceintes sont également à risque de listériose. Toutefois, il faut remarquer que les femmes enceintes constituent par définition une population parfaitement identifiée, dont le statut physiologique est limité aux neuf mois de la grossesse. A contrario, les patients immunodéprimés représentent une population hétérogène puisque l’immunodépression n’est pas toujours clairement identifiable, qu’elle peut être plus ou moins sévère et que sa durée est variable (parfois toute la vie).
Les mesures de prévention individuelle
Le rôle des praticiens qui sont amenés à suivre des patients immunodéprimés ou des femmes enceintes est donc capital dans la prévention individuelle de la listériose, et il est important que la vigilance soit maintenue avec l’augmentation constante de la population âgée et donc... immunodéprimée. Le message de prévention repose sur quelques règles simples (mais efficaces), qui sont parfois perçues comme contraignantes par les patients. Ces conseils concernent essentiellement la consommation d’aliments à risque et les règles d’hygiène alimentaire et doivent être prodigués à toutes les femmes enceintes, quel que soit le terme de la grossesse, mais également à tous les patients présentant une immunodépression, du fait de leur maladie ou d’un traitement.
Il est vivement conseillé d’éviter la consommation :
– de fromages vendus râpés et de fromages à pâte molle au lait cru (enlever la croûte des fromages à pâte cuite avant consommation) ;
– de poissons fumés, mais également de coquillages crus, de surimi, de tarama ;
– de graines germées crues, telles que le soja, la luzerne... ;
– de produits de charcuterie cuite consommés en l’état ;
– de produits de charcuterie crue consommés en l’état (lardons, bacon...) ;
– de produits achetés au rayon traiteur.
Quant aux règles d’hygiène alimentaire, il s’agit en général de règles de bon sens, mais qu’il est bon de rappeler aux patients. Il faut en particulier, penser à :
– cuire soigneusement les aliments crus d’origine animale (viandes, poissons, charcuterie crue) ;
– nettoyer et laver soigneusement les légumes crus, y compris ceux de son potager ;
– conserver les aliments crus séparément des aliments cuits ou prêts à être consommés et réchauffer les restes alimentaires et les plats cuisinés avant consommation pour éviter une recontamination ;
– avoir une hygiène rigoureuse des ustensiles de cuisine, en particulier ceux qui ont été en contact avec des aliments non cuits ;
– respecter les règles de conservation des aliments dans le réfrigérateur, en maintenant une température proche de + 4 °C en toute saison et en nettoyant et désinfectant régulièrement le réfrigérateur, car Listeria monocytogenes est capable de se développer à + 4 °C ;
– respecter les dates limites de consommation des produits alimentaires.
Enfin, en dépit de l’anxiété légitime des patients ayant consommé ou croyant avoir consommé des aliments soupçonnés d’être contaminés par Listeria monocytogenes, inutile de prescrire des antibiotiques en traitement préventif. Le Conseil supérieur d’hygiène publique de France a clairement rappelé en 1999 que cette mesure était inefficace.
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