M EME s'il est traité, un trouble sévère de la vision au cours des premiers mois de la vie (telle une cataracte congénitale), a des conséquences définitives sur le processus d'analyse des visages. Ce processus met des années à se mettre en place chez l'enfant et utilise une zone cérébrale dédiée au positionnement des traits du visage.
Un travail canadien, mené par Richard Le Grand et coll. (Hamilton), montre que, même plus de neuf ans après récupération de la vision, des enfants opérés avant le 6e mois de vie, présentent des altérations du positionnement des traits du visage. En revanche, ils sont capables de discerner un changement de l'un des éléments de la face.
Pour arriver à de telles conclusions, les Canadiens ont eu recours à leurs ordinateurs. Ils ont pu créer deux séries de deux clichés. Sur la première, un visage féminin aux cheveux dissimulés par une « charlotte », ils ont écarté les yeux et remonté la bouche (modification spatiale). Sur la seconde série, ils ont changé les yeux et la bouche (modification de la physionomie).
Vingt-six sujets sains, droitiers, ont servi de référence. Tous ont bien relevé les différences entre les clichés dans les deux séries, sur les photos mises à l'endroit. Présentés à l'envers, les clichés ont bien été évalués sur la modification de physionomie, moins bien sur l'aspect spatial.
Le même test a été effectué auprès de 14 sujets nés avec une cataracte congénitale. Tous avaient été opérés entre le 62e et le 187e jour de vie (118 en moyenne), voilà au moins neuf ans. Si la modification des traits du visage a été reconnue sans difficultés, des erreurs ont été relevées avec une fréquence significative, sur les changements spatiaux. Ces défaillances sont indépendantes de la durée de privation sensorielle ou de l'acuité visuelle.
« Nos résultats indiquent qu'un entraînement visuel au cours des tout premiers mois de la vie est nécessaire au développement normal d'une analyse fine du visage. Parce que les enfants ont une faible acuité visuelle, leur cortex est exposé uniquement aux informations de faible fréquence spatiale, qui, pour des visages, définissent le contour global et la localisation des traits, mais peu de leurs détails. Cette information précoce bâtit l'architecture neuronale qui se spécialisera dans l'analyse de la configuration du visage au cours des 10 à 12 années suivantes. Si les stimuli visuels sont retardés ne fût-ce que de deux mois, un déficit permanent en résulte. »
« Nature », vol. 410, 19 avril 2001, p. 890.
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