Aide humanitaire
De notre correspondante
« Il faut relativiser les verdicts extrêmement négatifs sur l'Afrique : dans les pays en paix et en sécurité, on assiste à un foisonnement d'initiatives. L'Afrique en mouvement nous montre sa capacité d'adaptation et de résistance face aux coups durs, ce qui doit amener à penser nos rapports en termes de coopération plutôt que d'assistance », estime Sylvie Brunel, auteur de nombreux ouvrages sur le développement et d'un récent roman brûlot sur les pratiques de certaines grandes ONG (« Frontières »).
Quarante ans après la décolonisation, « on constate toujours une colonisation rampante, notamment dans les pays dotés de ressources en pétrole, qui prend le masque de l'humanitaire. Les militaires "sécurisent" le pays pour que les marchands puissent en exploiter les richesses, et les ONG qui prennent pied dans les territoires pétroliers ouvrent la porte aux contrats pour leur pays », résume-t-elle.
Sa longue expérience de l'humanitaire (au sein de Médecins sans Frontières puis d'Action contre la Faim, qu'elle a présidée avant d'en démissionner l'année dernière) lui a montré que certaines aides d'urgence étaient obtenues par des politiciens locaux qui tirent partie de la pénurie alimentaire et entretiennent ainsi la famine.
Une âpre réflexion qui épargne bien sûr les médecins et les volontaires de petites associations réunis ce soir-là dans la salle, donnant de leur temps et de leurs deniers pour tenir à bout de bras, avec leurs amis africains, un centre de santé ou une cantine scolaire. Les uns et les autres sont tombés d'accord pour dire combien les microprojets sont importants pour tisser des liens entre les populations du Nord et du Sud. A condition d'être bien pensés et réalisés dans le cadre d'un contrat de développement qui doit être évalué au fur et à mesure de son déroulement. Car « l'Afrique est un cimetière de projets improvisés et avortés », constatent ceux qui connaissent bien ce milieu. « Quel que soit le mode de partenariat, qu'il passe par les Etats ou par les ONG, il n'a de sens que si ce sont les populations qui expriment leurs besoins et la forme qu'elles estiment la meilleure pour y répondre, en s'impliquant elles-mêmes et en montrant les capacités d'innovation dont elles sont riches », estime le Dr Alain Simoncini, président de l'association Tabalé. Pour lui comme pour les membres de cette petite ONG, le soutien à des actions locales s'inscrit aussi dans « un mouvement de pensée et d'action pour une autre mondialisation », préconisant notamment des règles de commerce équitable.
Santé communautaire à Bamako
Présidée par un généraliste et comptant beaucoup de médecins et paramédicaux parmi ses membres, l'association de solidarité Tabalé (nom d'un gros tambour utilisé pour communiquer entre les villages) s'intéresse particulièrement aux microprojets concernant la santé mis au point avec les intéressés.
Elle apporte ainsi une aide en matériel et en formation obstétricale au centre de santé communautaire d'un quartier pauvre de Bamako et mène une étroite collaboration avec le centre de soins, d'accompagnement et de conseils pour les personnes vivant avec le virus du sida. Devenu le pôle de référence de Bamako sur la prise en charge de ces patients, ce centre, qui emploie une dizaine de médecins, souffre surtout du manque de médicaments. Sa directrice, le Dr Bintou Dembelé, qui participait au débat de Marseille, explique que, malgré une prise en charge à 50 % par l'Etat malien, seulement 1 à 2 % des malades peuvent accéder aux antiviraux. La file active du centre est de 3 000 personnes, dont 65 % de femmes en âge de procréer. Et comme le fait valoir le Dr Simoncini, président de Tabalé, « le problème de l'accès au traitement conditionne le dépistage : on ne veut savoir si on est atteint que si l'on sait pouvoir être soigné ».
Parmi les actions d'entraide menées par l'association : l'organisation d'une colonie de vacances pour les enfants dont les familles sont affectées par le sida.
* Tabalé, 5, boulevard des Romarins, 13400 Aubagne.
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