LE QUOTIDIEN – Quelles sont les évolutions épidémiologiques récentes des méningites ?
Dr BEATRICE QUINET* – Le méningocoque demeure le premier germe impliqué dans les méningites bactériennes. Les sujets les plus touchés restent les très jeunes enfants et les adolescents. A partir d'isolements de toute provenance (ponction lombaire, et cutanés en cas de purpura fulminans), le « BEH » (1) rapportait, pour 2005, des incidences de 2,8/100 000 chez les 14-19 ans, de 5,2/100 000 chez les 1-4 ans et de 19,6/100 000 au-dessous de 1 an. Le méningocoque B reste dominant, puisqu'il représente 66 % des isolements, avec une augmentation de 16 % du nombre de cas entre 2004 et 2005. Le méningocoque C, lui, représente 25 % des isolements et baisse régulièrement depuis 2003. Enfin, le sérotype W 135 ne représente que 5 % des cas. Toutes les souches étaient sensibles au céfotaxime, mais une sensibilité diminuée à la pénicilline a été constatée pour 44 % des souches.
Quelle est la situation des méningites à méningocoque B en Seine-Maritime ?
Un complexe clonal de méningocoque B, dit ST 32, sévit dans la région de Dieppe avec une virulence particulière. L'incidence des méningites à méningocoque dans cette région atteint en effet 13/100 000, contre 1,5/100 000 dans l'ensemble du département, et 0,6/100 000 dans le reste de la France, hors Seine-Maritime. Depuis l'été 2006, une vaccination ciblée des enfants et des adolescents a été entreprise dans la région, avec une valence relativement proche du sérogroupe en cause.
Qu'en est-il des méningites à pneumocoque ?
Les données du Centre national des pneumocoques font état d'une incidence globale en diminution. Mais surtout, et pour la première fois, on voit baisser les sérotypes inclus dans le vaccin (Prévenar). Reste le problème du sérotype 19A, le deuxième par sa fréquence, qui n'est pas contenu dans le vaccin, dont la résistance augmente, et qui soulève d'ailleurs des difficultés partout dans le monde. Nous attendons donc un vaccin incluant la valence 19A.
Hormis pour le type 19A, une diminution des résistances aux bétalactamines des pneumocoques isolés dans les méningites de l'enfant a été constatée en 2005 – pour la première fois depuis dix ans. En 2005, par ailleurs, le Centre national de référence des pneumocoques n'a pas retrouvé de souche résistante au céfotaxime.
L'impact de la vaccination vous paraît être un phénomène important ?
Capital, même. Le même phénomène est d'ailleurs constaté pour l' Haemophilus influenzae b. Il n'a pas complètement disparu et peut toujours être isolé chez de très jeunes enfants qui n'ont pas encore reçu les quatre vaccinations. Mais, grâce au vaccin, son incidence a considérablement diminué – du moins dans les pays occidentaux, puisqu'il est encore très présent en Afrique.
Avec l'évaluation de la sensibilité des germes, la démonstration de l'efficacité de la politique vaccinale est un objectif essentiel de la surveillance épidémiologique.
Concernant les traitements, quelles sont les nouveautés ?
Il n'y a pas de nouveauté à ce jour dans la prise en charge et le traitement antibiotique curatif des méningites purulentes de l'enfant. Une petite modification a, en revanche, été introduite dans la prophylaxie des sujets contacts d'une infection invasive à méningocoque, par la Circulaire du 23 octobre 2006. La rifampicine reste l'antibiotique de référence, à proposer aux sujets contacts dans les 24-48 heures et au maximum dans les 10 jours suivant l'exposition. La nouveauté est que ce traitement peut dorénavant être utilisé chez les femmes enceintes : dans des circonstances exceptionnelles, en effet, un traitement de deux jours se justifie. Pour éviter les troubles de la coagulation, la possibilité d'administrer de la vitamine K peros à la mère, lorsque le terme est à moins de 15 jours, puis, par injection, au nouveau-né, est mentionnée dans la circulaire. En cas de résistance à la rifampicine, les cas contacts peuvent être traités par ceftriaxone, à tout âge, ou par ciprofloxacine, s'il s'agit d'adultes.
La Société de pathologie infectieuse de langue française s'apprête par ailleurs à réactualiser ses recommandations de 1999 sur le diagnostic et le traitement des méningites bactériennes, lors d'une conférence de consensus qui aura lieu à Paris le 19 novembre 2008. En toute hypothèse, sur les conclusions de la conférence de consensus, le principe de précaution devrait être réaffirmé : face à une méningite bactérienne, on ne prend ni retard ni risque dans le traitement, et on ne parie pas sur la sensibilité du germe avant d'avoir reçu l'antibiogramme.
* Hôpital Trousseau, Paris.
(1) « BEH » du 5 décembre 2006.
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