Définition
Parmi les otites moyennes chroniques à tympan fermé figure l'otite séromuqueuse (OSM) (ou otite séreuse, ou otite muqueuse).
Dans l'immense majorité des cas, il s'agit d'un exsudat dans les cavités de l'oreille moyenne (nous n'évoquerons que pour mémoire ses transsudats. Les otites séreuses postradiques et les barotraumatismes ne seront pas envisagés).
Cet exsudat est, en règle générale, la conséquence d'une infection locale comme en témoignent les débris bactériens dans un liquide devenu, ou redevenu aseptique au sens bactériologique du terme.
On observe alors une métaplasie de l'épithélium pseudorespiratoire, avec prolifération des cellules mucipares. C'est d'ailleurs leur nombre qui détermine la fluidité du liquide et donc l'appellation « séreuse » ou « muqueuse ».
Le caractère de « chronicité » comme il est habituel en médecine témoigne d'une durée d'évolution excédant trois mois.
Physiopathologie
Le rôle du tube auditif (la trompe d'Eustache des classiques) et son éventuelle obstruction par de grosses végétations adénoïdes semblent avoir été notablement exagérés dans un passé encore récent.
En revanche, l'existence d'un reflux oesophagien est très probablement un facteur adjuvant non négligeable dans la genèse des otites séromuqueuses.
Les enfants ayant présenté une division vélaire, les porteurs de mucoviscidose, sont par principe des candidats à cette affection, qui devra alors être systématiquement recherchée.
Clinique
Le diagnostic de présomption est fait devant tout enfant présentant une hypoacousie, notamment dans les suites d'une otite moyenne aiguë. Un principe est donc de revoir, au bout de quelques semaines, tout jeune patient ayant présenté une otite moyenne aiguë.
Tout enfant d'âge préscolaire (de 3 à 6 ans) devrait pouvoir bénéficier systématiquement d'un test simple, réalisable sans matériel, aussi bien par le médecin que par l'infirmier scolaire : c'est la « voix chuchotée », dont on ne soulignera jamais assez la valeur de test de dépistage.
Voix chuchotée
Dans une pièce calme, d'une longueur suffisante (5 m).
L'enfant testé est de profil.
L'aide, ou la mère, masque l'oeil du côté testé et masse doucement le tragus de l'enfant du côté non testé.
Le médecin ou l'infirmier prononce à mi-voix, en avançant et en reculant alternativement sans bruit :
– de 3 à 6 ans : des mots concrets, dissyllabiques ( «chapeau», «maison»,«vélo»…) ;
– au-delà de 6 ans : des chiffres entre dix et cent : «vingt-six», «quarante-deux»…
L'enfant répète à haute voix ce qu'il entend. Avec un même opérateur, il existe une grande reproductibilité et une grande fiabilité.
Les mots sont correctement répétés à 4 ou 5 m si l'audition est normale.
Toute perte de 15 dB oblige l'opérateur à avancer de 1 m environ.
Les deux oreilles sont testées alternativement.
Confirmation
La confirmation diagnostique repose sur trois observations.
L'otoscopie, tout d'abord. Elle est difficile et requiert un sens des nuances, venant avec l'expérience. On peut voir des bulles rétrotympaniques, ou encore un tympan mat, ou ambré, ou bleuté (fig. 1). Une otoscopie normale n'écarte toutefois pas formellement le diagnostic.
L'immobilité du tympan au spéculum pneumatique est un signe de valeur : le tympan ne bouge pas lorsque l'on insuffle de l'air dans le conduit auditif externe, en surpression modérée, sous contrôle de la vue.
En cas de doute, la tympanométrie (ou impédancemétrie) lève toute ambiguïté : le tracé est plat, les liquides contenus dans l'oreille moyenne étant incompressibles.
Fréquence et évolution
On estime que de 5 à 15 % des élèves de grande maternelle ou de CP présentent à un instant T une otite séromuqueuse. Une majorité évoluera vers une guérison spontanée : 22 % à l'âge de 1 an, 95 % à l'âge de 10 ans.
Ces otites séromuqueuses peuvent subir des poussées de réchauffement et deviennent alors une authentique otite moyenne aiguë.
Très rarement, l'évolution se fait vers la survenue d'une tympanosclérose, d'une poche de rétraction tympanique ou d'une atélectasie sans d'ailleurs que l'on puisse cerner précisément le primum movens.
Les séquelles portent essentiellement sur l'acquisition des connaissances : retard à l'acquisition de la parole et du langage ou retard scolaire. En conséquence, aucune rééducation orthophonique pour retard de parole et de langage, aucune rééducation pour « dyslexie-dysorthographie » ou présumée telle ne devront intervenir sans un examen préalable de l'audition.
Traitement
La fréquence des guérisons spontanées pallie heureusement la relative inefficacité des traitements médicaux.
On déconseille formellement l'antibiothérapie prolongée, la corticothérapie au long cours et les vasoconstricteurs avant 12 ans, en raison des risques inhérents à ces produits, dont l'efficacité vis-à-vis des otites séromuqueuses est, pour le moins, très contestée.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les mucolytiques n'ont pas non plus démontré leur efficacité. L'évaluation des traitements homéopathiques se heurte à d'insolubles problèmes méthodologiques.
Les traitements physiques, comme les aérosols manosoniques, posséderaient une certaine efficacité, au moins théorique.
Un éventuel reflux gastro-oesophagien sera pris en compte et traité.
Les traitements chirurgicaux sont plus convaincants : ici comme ailleurs, «la chirurgie vit des échecs de la médecine».
L'adénoïdectomie, parfois associée à l'amygdalectomie, se propose d'agir sur les infections régionales et diminuerait l'occurrence des récidives d'otites séromuqueuses. On ne parle plus du rôle mécanique d'obstruction tubaire des végétations. Mais surtout, la pose d'aérateurs transtympaniques (vulgairement appelés «Yo-Yo» ou «diabolos», voire, improprement, «drains» qui ont un effet spectaculaire et immédiat sur l'audition (fig. 2).
Ils restaurent une aération pseudo-physiologique de la muqueuse de la caisse. Leur pose n'est envisagée qu'après trois mois d'observation, ou en cas de retentissement majeur dans l'acquisition des connaissances (début de CP catastrophique…).
On en distingue deux grands types : « les bobines » et les « tubes à ailettes » . Leur pose exige une anesthésie générale chez le jeune. Chez l'adolescent, et afortiori chez l'adulte, une anesthésie locale – par exemple à l'aide d'une crème anesthésiante de lidocaïne (Emla) – après un contact de 1 heure, permet une paracentèse et la pose totalement indolore de l'aérateur.
Certains modèles d'aérateurs seront expulsés spontanément en quelques mois. D'autres devront être retirés.
Conclusion
L'extrême fréquence des otites séro-muqueuses justifie de revoir au bout de quelques semaine, tout enfant ayant présenté une otite moyenne aiguë. De même, elle justifie la pratique extensive du test de la voix chuchotée chez tout enfant d'âge préscolaire.
L'otoscopie est d'interprétation difficile. Il est souvent impossible de faire la part relative entre l'action d'un éventuel traitement médical et la fréquente guérison spontanée.
La décision de mettre en place un aérateur transtympanique est souvent dictée par le risque de constitution d'un retard dans l'acquisition des connaissances.
Son efficacité souveraine est immédiate sur l'audition, mais ils imposent quelques contraintes.
Pour en savoir plus:
(1) P. Romanet, J. Magnan, C. Dubreuil, P. Tran Ba Huy. L'otite chronique : rapport de la Société française d'oto-rhino-laryngologie et de chirurgie de la face et du cou. 1re Ed. Arnette, Paris 2005.
(2) J.M. Triglia, S. Roman, R. Nicollas. Otites séromuqueuses. Encycl Med Chir (Editions scientifiques et médicales Elsevier SAS, Paris), oto-rhino-laryngologie, 20-085-A-30, 2003 : 1-12.
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