Grâce à des programmes de dépistage organisé, centralisé et contrôlé, bon nombre de pays industrialisés ont réussi à réduire fortement l’incidence des cancers du col. Cette incidence a été diminuée de 75 % depuis les années 1950. Et le cancer du col n’a pas été éradiqué, bien qu’il soit réputé l’être par le dépistage. Selon une estimation de l’InVs (faite en 2000), le cancer du col affecte 3 400 femmes et tue 1 000 autres chaque année dans notre pays.
La persistance d’une infection par le Papillomavirus (HPV) à risque est l’étape préalable nécessaire au développement d’un cancer du col. Une quinzaine de génotypes HPV ont pu être mis en cause et un ou plusieurs de ces types viraux sont présents dans plus de 99 % des cancers du col. Près de 50 à 60 % de ces lésions contiennent l’HPV 16, et de 10 à 20 %, l’HPV 18. Plus d’une femme sur deux a été exposée aux HPV durant sa vie, 10 % en sont porteuses de façon chronique et, parmi elles, une sur cinq risque de développer un cancer du col en l’absence ou en cas de dépistage défaillant.
«La performance du frottis est limitée par une sensibilité imparfaite (un tiers des cancers invasifs sont observés dans une population régulièrement suivie), l’absence d’évaluation du risque et la nécessité de respecter une stricte régularité de 20 à 65ans; autant de conditions qui expliquent que la maladie, bien qu’évitable, n’ait pas été éradiquée, bien que les tests HPV aient amélioré les performances du dépistage. Ils permettent de trier les frottis anormaux et d’éviter des interventions inutiles », souligne le Dr Monsonego .
Un frottis négatif un jour J ne signe pas avec certitude l’absence de lésions du col ; en revanche, un test HPV négatif peut rassurer instantanément et de manière durable. Toutefois, celui-ci n’est pas remboursé dans le cadre d’un dépistage primaire (en dépit des recommandations américaines et européennes) ; il l’est concernant les frottis ASC-US.
Après l’âge de 30 ans, le groupe des femmes à frottis négatif et à HPV à haut risque positif représente environ 5 % de la population. Il est possible désormais d’identifier avec plus de précision celles d’entre elles qui sont à risque réel de lésions précancéreuses sous-jacentes en utilisant des marqueurs moléculaires performants. Il est démontré que la persistance virale ainsi que la charge virale élevée sont des indicateurs fiables de lésions précancéreuses. La persistance d’un HPV 16 ou 18 est un marqueur lésionnel encore plus fiable que celle d’un cocktail de différents Papillomavirus à risque.
Le fait que le cancer du col soit la conséquence ultime de l’infection chronique par le Papillomavirus procure l’extraordinaire opportunité de prévenir la maladie par la vaccination. Les HPV 16 et 18 sont responsables de 70 % des cancers du col dans le monde. Ces types sont reconnus comme les principaux types viraux associés au risque de développer des lésions précancéreuses et cancéreuses tant chez les femmes à frottis normal que chez celles ayant des anomalies cytologiques de type ASC-US ou de bas grade.
«Un vaccin prophylactique, pour prévenir les lésions précancéreuses et cancéreuses, composé de ces types viraux, doit pouvoir sauver des vies, réduire l’anxiété, les interventions coûteuses, et avoir un bénéfice individuel et collectif non négligeable», estime le Dr Monsonego.
Fondés sur la production de particules virales recombinantes et non infectantes issues de la protéine majeure de capside L1, qui a la particularité de s’autoassembler spontanément sous la forme de pseudo-virions (VLP 1), les essais cliniques montrent que les vaccins prophylactiques 16 et 18 induisent une forte production d’anticorps neutralisants, avec un minimum d’effets secondaires, une protection de presque 100 % de l’infection par le HPV 16 et 18 persistante et des CIN de haut grade associées à ces virus. «Les résultats issus des essais cliniques utilisant un vaccin quadrivalent anti-HPV6, 11, 16 et 18 (Gardasil) commercialisé par sanofi-Pasteur MSD et le vaccin bivalent anti-HPV16 et 18(Cervarix) de GSK (non encore commercialisé) sont concordants dans ce sens, bien que chacun d’entre eux ait ses particularités», ajoute le Dr Monsonego.
On estime que la vaccination contre le HPV réduira de moitié la fréquence des frottis anormaux, le nombre de colposcopies et de biopsies dirigées, ainsi que les traitements des lésions précancéreuses. Ses conséquences sur les coûts liés à la cascade d’examens, de suivis, de traitements et de stress attribués aux frottis anormaux seront, à court terme, perceptibles. Cependant, compte tenu de la prévalence de l’infection par le HPV 16-18, la vaccination ne protégera du cancer que dans 70 à 75 % des cas. «La couverture vaccinale de la population cible devra être élevée, rappelle le Dr Monsonego. On admet généralement qu’elle doit être supérieure à 50%, pour atteindre ses objectifs de prévention du cancer en termes de santé publique. Cependant, il ne faudra pas ignorer le bénéfice individuel. La vaccination contre le HPV doit être considérée comme un volet de sécurité synergique et supplémentaire au dépistage traditionnel.»
Quoi qu’il en soit, on ne connaît pas précisément quelles stratégies vaccinales seront adoptées, ni quel sera le rapport bénéfice-risque de chacune d’entre elles. Enfin, la question de l’acceptation de cette vaccination par le public reste ouverte. Reste que la place de cette vaccination dans le calendrier vaccinal n’est pas encore déterminée, mais qu’elle devrait l’être très prochainement. «Selon les indications de l’Agence européenne du médicament, l’autorisation de mise sur le marché du vaccin Gardasil concerne la vaccination des jeunes filles de 9 à 15ans et un rattrapage progressif des cohortes de jeunes femmes de 16 à 26ans», a ajouté le Dr Monsonego.
En outre, les recommandations sur les modalités et les outils de dépistage à l’ère vaccinale vont encore évoluer. Le couplage dépistage-vaccination contre le HPV devrait permettre une protection proche de 100 %. «Il faudra veiller à ce que la vaccination n’engendre pas un relâchement conséquent du dépistage et de la prévention des IST», souligne le Dr Monsonego. D’ores et déjà se dessinent les contours d’une nouvelle pratique clinique : un dépistage cytologique régulier ou cytomoléculaire ciblé et performant, à un rythme espacé, auprès d’une population potentiellement immunisée. L’éradication du cancer du col deviendra alors un objectif réaliste, à condition que des campagnes d’information adaptées génèrent une forte mobilisation des femmes et des professionnels de santé.
D’après un entretien avec le Dr Joseph Monsonego, gynécologue, Paris, président d’Eurogin.
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