ÉLUCIDER les mécanismes par lesquels les apports périnataux en nutriments produisent des effets à long terme sur les circuits impliqués dans la régulation de la prise alimentaire. Tel est l'objectif de Bérengère Coupé, avec sa thèse menée sous la direction de Patricia Parnet, au laboratoire de physiologie des adaptations nutritionnelles (UMR 1280, CHU Hôtel-Dieu) à Nantes.
Une étude qui permettra ainsi de déterminer si les nutriments reçus en période prénatale et postnatale sont capables de laisser une empreinte modifiant à long terme la fonction et l'organisation cérébrale. Mais, aussi, si ces modifications peuvent avoir des conséquences sur le comportement alimentaire et sur l'apparition d'un syndrome métabolique (SX). Et, surtout, si les apports en protéines dans les préparations pour nourrissons doivent être remis en cause pour réduire le risque de pathologies associées au SX.
«Aujourd'hui, l'obésité a pris des proportions presque pandémiques. C'est un problème majeur de santé publique souvent associé à des maladies cardio-vasculaires, au diabète de type2… L'augmentation de la consommation d'aliments associée à la sédentarité conduisent à ces pathologies mais ce ne sont pas les seules causes», affirme Bérengère Coupé.
De fait, plusieurs études suggèrent qu'il existe des périodes critiques du développement durant lesquelles le foetus et le nouveau-né peuvent développer des altérations anatomo-physiologiques et métaboliques permanentes s'ils sont exposés à un environnement nutritionnel inadéquat. Des altérations qui augmenteraient leur vulnérabilité ultérieure à des maladies, telles que l'hypertension ou le diabète de type 2. «David Barker, épidémiologiste anglais, a proposé, dès le début des années 1990, le concept de programmation afin d'expliquer la corrélation qui existe entre l'apparition à l'âge adulte de pathologies associées au SX et un petit poids à la naissance, signe d'un retard de croissance intra- utérin (RCIU) . D'autres études ont montré ensuite que cette programmation a aussi lieu pendant la période postnatale», indique la jeune chercheuse.
L'organisation de l'hypothalamus.
Actuellement, un RCIU affecte de 2 à 10 % des nouveau-nés diagnostiqués comme tels lorsqu'ils pèsent moins de 2,5 kg à terme. «Cela est dû à une hypoxie et à une réduction des apports en nutriments pendant le développement, puisqu'une réduction des acides aminés à travers le placenta a été démontré. Il est courant d'alimenter ces nouveau-nés avec un lait enrichi en protéines afin d'assurer leur bon développement staturo-pondéral. Cependant, un déséquilibre nutritionnel est ainsi créé entre l'adaptation in utero à un régime pauvre en protéines et une alimentation enrichie», précise Bérengère Coupé. «Des modifications des apports nutritionnels pendant ces périodes de vie précoce pourraient avoir des conséquences délétères sur l'organisation des fonctions cérébrales, dont l'hypothalamus, qui régit toutes les informations du statut énergétique et nutritionnel de l'organisme. La régulation fine de la prise alimentaire n'est possible que, lorsque au cours du développement, le noyau arqué (NA) contenant les corps cellulaires des neurones orexigènes et anorexigènes établit des connexions avec les noyaux hypothalamiques voisins», poursuit-elle. L'hypothèse du projet de Bérengère Coupé est donc de déterminer l'impact d'un RCIU et de la nutrition postnatale sur l'organisation précoce de l'hypothalamus. Ainsi que les conséquences d'une éventuelle différence d'organisation sur le comportement à l'âge adulte qui pourrait être à mettre en parallèle avec un SX.
Pour étudier cette hypothèse, plusieurs grands objectifs sont prévus. «Tout d'abord, caractériser nos modèles expérimentaux animaux (des ratons) par analyse des paramètres physiologiques associés au SX… Ensuite, pour étudier la mise en place des connexions de l'hypothalamus, nous effectuons des marquages immunohistochimiques des principaux acteurs de la régulation de la prise alimentaire. Cela permet de déterminer si les connexions qui s'effectuent du NA vers les autres noyaux sont bien présentes en fonction des différents statuts nutritionnels et de l'âge. Comme la mise en place de ces connexions dépendent des taux de leptine plasmatique, nous étudions en parallèle la mise en place du pic néonatal de celle-ci», note Bérengère Coupé. Le comportement alimentaire des modèles sera étudié par des analyses de consommation de nourriture ou des tests de satiété, «ce qui nous permettra d'étudier la mise en place rythmique de la prise alimentaire. En parallèle seront étudiés les mécanismes moléculaires impliqués dans le contrôle de la prise alimentaire…», conclut Bérengère Coupé.
Le prix de recherche Louis-Bonduelle
Pour concourir au prix de recherche Louis-Bonduelle, doté de 10 000 euros, les candidats doivent avoir un projet de recherche expérimentale, clinique, sociologique ou épidémiologique portant sur la nutrition ou sur le comportement alimentaire. Ils doivent être inscrits dans un établissement universitaire en nutrition, médecine, diététique, pharmacie, sciences agroalimentaires ou en sciences humaines et avoir moins de 35 ans. En 2007, ce prix a été attribué à Tristan Fournier (université de Toulouse le Mirail) pour un travail sur la place de la santé dans les processus de décision alimentaire. Et, en 2006, à Carla Estaquio pour son projet de thèse visant au développement d'un « score alimentaire », qui a notamment permis de démontrer que l'application des recommandations du plan national Nutrition Santé (PNNS) conduit à une réduction de 36 % du risque de maladie chronique dans la population adulte masculine.
Pour plus d'informations : www.fondation-louisbonduelle.org.
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