L'alimentation proposée aux animaux d'élevage doit permettre d'atteindre un certain nombre d'objectifs, dont, entre autres, une productivité optimale, l'homogénéité de la production et la garantie d'une bonne qualité sanitaire, organoleptique et nutritionnelle des produits dérivés. Elle doit également tenir compte de l'attente des consommateurs (produits moins gras, pratiques à préparer et à consommer, souvent très différenciés par rapport au produit d'origine).
Le premier point concerne la performance : l'éleveur veut produire de la viande qui plaise au consommateur, mais à moindre coût. Les besoins nutritionnels des animaux dépendent de l'espèce, de l'âge, du sexe et de ce qu'ils produisent. En fonction de ces besoins, le « formulateur » (qui est le diététicien des animaux) compose pour chacun une recette adaptée, c'est-à-dire un assemblage spécifique de matières premières. Grosso modo, l'aliment est composé pour moitié de céréales, pour un quart de tourteaux d'oléagineux et pour un quart de produits divers (fourrages, huiles, mélasse, additifs). On raisonne en énergie métabolisable. Les besoins des animaux dits de production sont considérables. En effet, le poids d'un poulet passe, en 40 jours de vie, de 40 g à l'éclosion à 2 400 g au moment de l'abattage. Le porc passe de 1 kg à la naissance à 110 kg à 6 mois. Une vache produit 40 litres de lait par jour et les poules pondent 300 œufs par an. Autant dire que ces performances, dignes de celles d'un sportif de haut niveau, nécessitent une nourriture adaptée.
Les additifs alimentaires
La possibilité de recourir à des additifs alimentaires en compléments des matières premières permet la couverture optimale des besoins de l'animal, dont le potentiel génétique pourra s'exprimer pleinement. Depuis longtemps, les éleveurs ajoutent des acides aminés - méthionine et lysine, notamment- à la nourriture de leurs animaux qui grossissent ainsi plus vite et avec une moindre ration. On définit actuellement des protéines idéales qui apportent de façon équilibrée l'ensemble des acides aminés indispensables à l'animal pour exprimer sa croissance. Le coût de l'aliment peut augmenter avec ce type de compléments, mais le coût par kilogramme de viande, lui, est amélioré.
L'apport de ces acides aminés a un deuxième bénéfice : il permet de réduire la variabilité des paramètres anthropométriques de l'animal - poids, taille des filets (poulet) -, caractéristique très recherchée tant des abattoirs que des industriels chargés de la transformation des produits ou des distributeurs pour répondre à la demande des consommateurs. D'autres types d'additifs sont également utilisés, comme les enzymes, qui ont pour vocation d'améliorer la digestibilité des ingrédients alimentaires. Ils diminuent, eux aussi, la variabilité des performances.
Sécurité sanitaire
Autre paramètre sur lequel l'alimentation tente de peser, la qualité du produit, notion qui recouvre plusieurs domaines : conservation et stockage, sécurité sanitaire, caractéristiques organoleptiques et composition nutritionnelle.
La nourriture fournie au bétail peut avoir des répercussions sur la santé des animaux et sur la qualité sanitaire des produits dérivés : présence de toxines (aflatoxines, dioxine) ou de germes (salmonelles) ou matière première à risque (additifs, farine animale). La contamination peut se faire lors de la fabrication, du stockage ou de la distribution de l'aliment. Le plus souvent, l'animal est touché sans que les produits dérivés ne le soient. Toutefois, le risque chimique ou bactériologique peut en théorie exister. Mais le problème ne se pose guère pour les produits issus des pays occidentaux, et notamment de France, où une réglementation stricte et des contrôles réguliers garantissent une bonne sécurité sanitaire des aliments d'origine animale. En effet, l'alimentation animale est un des secteurs les plus réglementés en Europe, et le premier du monde agroalimentaire à avoir été harmonisé (premiers textes européens en 1970). Quatre types de contrôles sont effectués : l'autocontrôle des fabricants, les contrôles de l'administration (DGCCRF et Direction des services vétérinaires), les contrôles liés aux signes de qualité (Label Rouge, Certification de conformité de produit, Appellation d'origine, produit « bio ») et le guide des bonnes pratiques (démarche volontaire des industriels pour la qualité et la sécurité de l'alimentation des animaux d'élevage).
Un meilleur profil lipidique
En ce qui concerne la qualité nutritionnelle des aliments d'origine animale, elle est, elle aussi, susceptible de changer en fonction de la nourriture proposée aux animaux producteurs. Elle doit répondre à la demande des consommateurs qui évolue au fil du temps. Ainsi, la teneur en graisse des produits carnés a sensiblement diminué ces dernières années. En vingt ans, la longe de porc est passée de 5 à 6 % de matières grasses à 2 %. La nature des lipides des viandes a, elle aussi, changé. En effet, en nourrissant les animaux avec des matières végétales riches en oméga 3, comme les graines de lin, on parvient à changer la composition lipidique non seulement de la chair de l'animal, mais aussi des œufs ou du lait qu'ils produisent et des aliments dérivés (charcuterie). On réduit la part de graisses saturées, et on baisse le ratio oméga 6/oméga 3. Il est également possible d'influer sur la teneur en acides gras essentiels, et, notamment, en EPA et DHA. De telles modifications sont possibles, quelles que soient les espèces animales et pratiquement quels que soient les produits (viandes, œufs, lait), et elles peuvent assurer chez l'homme un apport non négligeable en acides gras essentiels. Toutefois, les produits animaux riches en acides gras poly-insaturés nécessitent, pour être correctement conservés, un ajout d'antioxydants (naturels ou de synthèse).
De même, il est possible d'enrichir les aliments d'origine animale ( via l'alimentation des animaux) en un certain nombre de micronutriments intéressants pour l'homme, comme la vitamine E, la vitamine B12, la vitamine B9, le zinc ou le sélénium.
L'image des produits d'origine animale
Outre des répercussions très directes sur la composition et la qualité de l'aliment fini, la nourriture donnée aux animaux intervient sur l'idée que le consommateur se fait de l'aliment. En mangeant de la viande ou du poisson, le consommateur mange indirectement ce que l'animal a lui-même mangé. Cette vision des choses a particulièrement pesé au moment de la crise de la vache folle. Tant que la vache broutait de l'herbe, tout allait bien dans l'esprit du consommateur ; mais lorsque, à l'occasion des cas d'EBS, celui-ci a pris conscience que l'on donnait à manger à la vache de la farine de viande et d'os - qui plus est de sa propre espèce, renvoyant à la notion de cannibalisme -, cela a été un traumatisme énorme pour beaucoup.
Au-delà de la question de l'alimentation du bétail, manger de la viande est emprunt d'une symbolique forte. Certains vont se rassurer par rapport à la culpabilité d'avoir tué des animaux pour en manger, en les réifiant et en les considérant comme une usine à viande sur pattes ; d'autres ont un réflexe très anthropomorphique et veulent que l'animal ait eu du bien-être, par exemple en ayant été élevé en liberté. Quoi qu'il en soit, de plus en plus nombreux sont les consommateurs qui veulent ne pas reconnaître l'animal dans leur assiette (ni lors de la préparation) ; ils achètent des filets de viande ou de poisson, du jambon de porc ou de dinde, etc. Enfin, l'argument « santé » prend une place de plus en plus importante dans les critères de choix des consommateurs, surtout chez les seniors. On l'a vu, l'alimentation apportée à l'animal peut jouer sur ce paramètre.
- La lettre scientifique de l'IFN novembre 2007. « L'alimentation animale : coconstruire la qualité des aliments de l'homme », de Pierre-André Géraert (Adisseo France Antony) et Geneviève Cazes-Valette (groupe ESC Toulouse).
- « Evaluation du rôle de l'alimentation animale dans la sécurité des aliments : perspectives d'actions », de D. Bastianelli et C. Le Bas (Cirad Montpellier).
- « Bien nourrir les animaux, pour mieux nourrir les hommes », snia .
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