Un grand nombre de travaux a été mené avec les inhibiteurs PD1/PDL1 dans les tumeurs épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures. Présentés à l’ASCO et à l’ESMO en 2017, ils montrent l’intérêt porté aujourd’hui par la communauté scientifique à cette pathologie au mauvais pronostic. Les résultats sont très prometteurs, mais de nombreuses pistes restent encore à explorer.
Certaines études ont permis d’actualiser la place des anti PD1/anti-PDL1 dans ces cancers ORL. Les premiers résultats de l’étude ChekMate 141 avaient créé l’évènement en 2016 en démontrant la supériorité du nivolumab en seconde ligne dans un essai de phase III en termes de survie globale versus le traitement standard par chimiothérapie classique.
Les bénéfices du nivolumab ont été confirmés en 2017 avec une médiane de survie globale de 7,7 mois pour les patients du groupe nivolumab versus 5,1 mois pour le groupe sous chimiothérapie standard et des survies à 18 mois respectivement de 21,5 % dans le bras nivolumab versus 8,3 % dans le groupe chimiothérapie classique.
Encore des limites
Certains patients, chez lesquels une progression tumorale sous nivolumab a été objectivée au scanner, bénéficiaient paradoxalement de la poursuite du nivolumab, permettant alors une médiane de survie de 12,7 mois. Ces phénomènes de progression pouvant d’ailleurs être suivies de phases de régression a précisé le Dr Jérôme Fayette (Centre Léon Bérard, Lyon). Il est important de définir des biomarqueurs dans des essais prospectifs contrôlés qui permettraient d’identifier ces patients bénéficiant de la poursuite de l’immunothérapie malgré une progression au scanner de ceux au contraire présentant une hyperprogression sous immunothérapie, phénomène encore discuté mais dangereux, et qui ne devraient pas en recevoir.
La controverse a aussi été suscitée par l’étude Keynote 040 qui a testé le pembrolizumab en deuxième ligne versus un traitement standard chez des patients ayant déjà reçu une chimiothérapie pour un carcinome épidermoïde de la tête et du cou récidivant ou métastatique. Cette étude a été considérée comme cliniquement positive par certains spécialistes dont le Dr Jérôme Fayette même si l’objectif principal, la survie globale, n’a pas été atteint (essentiellement sur des considérations statistiques). Les pro-Keynote mettent davantage en valeur les bénéfices de la survie à 12 mois observée chez 37 % des patients sous pembrolizumab contre 27 % dans le bras chimiothérapie.
L’immunothérapie en deuxième ligne dans la prise en charge du cancer ORL
Si les résultats actuels ont déjà fait évoluer la stratégie thérapeutique en intégrant l’immunothérapie en deuxième ligne dans la prise en charge du cancer ORL, les défis de demain restent très importants. L’immunothérapie pourra-elle être prescrite en première ligne ? Vers quelles associations thérapeutiques s’orienter ? Qu’en est-il des biomarqueurs spécifiques ? Des études de phase III sont en cours ou vont être lancées pour comparer chimiothérapie standard et immunothérapie par anti-PD1 ou PDL1, en monothérapie ou en combinaison (avec des anti CTLA4, d’autres immunothérapies ou la chimiothérapie) en première et deuxième lignes. Concernant l’identification de marqueurs prédictifs, ni PDL1, PDL2, signature interféron, infection par l’HPV ont émergé de façon irréfutable des analyses des études passées.
"Des défis à la portée de la France qui est à la pointe de la recherche en cancérologie ORL grâce à un réseau de professionnels très performant et au recrutement effectif de nombreux patients dans les essais cliniques", a conclu le Dr Jérôme Fayette.
Dr Jérome Fayette, centre Léon Bérard (Lyon)
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