Un entretien avec le Pr Charles-André Cuenod*
Si le radiologue doit s'attendre à endosser prochainement, comme nous le verrons, la blouse du biochimiste ou du biologiste moléculaire, il conserve dans son arsenal diagnostique les techniques traditionnelles d'imagerie morphologique, au premier rang desquelles se trouvent encore l'échographie, le scanner et l'IRM.
L'échographie, couplée à l'écho-Doppler couleur, vit une évolution régulièrement progressive qui améliore sans cesse la détection et la caractérisation des tumeurs. Ses progrès sont liés à ceux de l'informatique - la puissance et la sophistication des algorithmes de traitement du signal ultrasonore augmentent considérablement la qualité et la lisibilité des images obtenues - et à l'amélioration constante des sondes.
Depuis le début des années 90, le scanner, quant à lui, a vécu deux révolutions : l'apparition du mode hélicoïdal lié à la possibilité d'obtenir une rotation continue du tube à rayons X et des détecteurs, et le développement des appareils dits « multicoupes » ou multicanaux. Il est aujourd'hui possible de reconstruire informatiquement un organe ou une tumeur en trois dimensions, cela grâce à un temps d'acquisition des images considérablement réduit. L'efficacité diagnostique du scanner a fait ainsi un bond en avant - on peut, par exemple, visualiser l'étape purement artérielle d'un examen du foie avec injection de produit de contraste et découvrir une hyperplasie nodulaire focale qui serait passée jusque-là totalement inaperçue - et l'information fournie au chirurgien, qui peut « prévisualiser » son geste sur un modèle en 3D, est aujourd'hui irremplaçable. Le scanner, devenu volumique, entre donc plus souvent en compétition avec l'IRM qui garde toutefois ses domaines privilégiés : cerveau, fosse postérieure, moelle épinière ou tumeurs ORL.
Aujourd'hui, l'imagerie des cancers cherche à tirer parti de certaines caractéristiques propres à chaque tumeur : son métabolisme, son réseau néovasculaire, sa nature biochimique ou encore sa carte d'identité phénotypique.
L'étude de la perfusion d'une tumeur assurée par un réseau anarchique de néovaisseaux hyperperméables permet de recueillir de précieuses informations sur l'agressivité, le métabolisme mais aussi sur la réponse au traitement de cette tumeur. En effet, il n'est plus nécessaire d'attendre une régression de la taille de la néoformation, dès lors que l'on objective une baisse de sa perfusion, pour juger de l'efficacité de la thérapeutique mise en uvre. Par ailleurs, l'étude de la perméabilité des néovaisseaux permet tout d'abord de localiser la tumeur par ciblage passif, c'est-à-dire par simple effet de tamis - le marqueur macromoléculaire ne se concentrant que dans la tumeur - mais aussi de prédire dans quelle mesure un médicament antimitotique - une macromolécule le plus souvent - atteindra ou non la zone à traiter.
La tomographie en émission de positrons (PET-scan ou TEP, en « bon » français) au fluorodésoxyglucose est un paradigme de ciblage actif qui devrait, dans les années à venir, être décliné grâce au développement d'autres radiopharmaceutiques beaucoup plus spécifiques. Le ciblage actif se focalise sur des motifs (antigènes, récepteurs...) spécifiques ou surexprimés à la surface des cellules tumorales. A terme, c'est un recensement global de ces motifs anormaux ou présents en quantité anormalement élevée, une véritable carte d'identité phénotypique que le radiologue devra établir devant chaque tumeur.
La TEP au fluorodésoxyglucose n'en reste pas moins en elle-même une technique d'avenir, notamment dans le cadre de la recherche d'une récidive tumorale ou de l'apparition de métastases. Chez un patient porteur de métastases d'un cancer primitif inconnu, elle augmente sensiblement les chances de trouver, grâce au « total body scanning », la clé du problème qui jusque-là restait le plus souvent insoluble. Le couplage de la TEP avec le scanner permet d'allier sensibilité et spécificité.
Une signature spectrale
La spectroscopie RMN, quant à elle, livre des informations d'ordre moléculaire sur la tumeur étudiée. En effet, si l'IRM actuelle ne détecte que le rayonnement émis par les protons de l'eau et de la graisse, se limitant donc à fournir des informations d'ordre purement morphologique, il est également possible de recueillir, par le même procédé, une information de type spectral caractéristique de certaines molécules. Cela prend tout son sens lorsque ces molécules sont présentes en quantité anormalement élevée, comme c'est le cas de la choline ou des lactates (alors que le N-acétyl-aspartate chute) au sein d'une tumeur cérébrale. C'est également vrai, par exemple, pour le citrate dont la concentration s'élève dans les nodules tumoraux intraprostatiques.
Enfin, les techniques de marquage in vitro de cellules immunocompétentes (macrophages, lymphocytes T killer, etc.) devraient prochainement permettre d'évaluer l'intensité de la réponse immunitaire d'un patient sous traitement immunostimulant vis-à-vis de sa tumeur. Il est en effet possible de suivre le devenir de ces cellules marquées une fois réinjectées au patient, de mesurer leur recrutement dans la zone tumorale ainsi que leur cinétique : on pourra ainsi évaluer le délai qui sépare l'injection d'un immunostimulant et le recrutement in situ des cellules immunitaires.
* HEGP, Paris.
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