IL Y A UN AN, une mesure du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (DDCAM) avait suscité une levée de boucliers, aussi bien de la part des professionnels de santé, des associations de patients, de la Haute Autorité de santé (HAS) que de l'assurance-maladie. Le texte autorisait le gouvernement à régir par ordonnance «les programmes d'accompagnement des patients soumis à des traitements médicamenteux lorsque ces programmes sont financés par des établissements pharmaceutiques». D'abord amendée à l'Assemblée nationale, la disposition fut finalement retirée lors de son examen au Sénat, en attendant l'élaboration d'une autre proposition de loi (promise par le sénateur Nicolas About). L'ex-ministre de la Santé, Xavier Bertrand, avait ensuite saisi l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), en mars 2007, pour dresser un état des lieux des programmes existants et lui soumettre des modalités de cadrage juridique de telles expériences.
Les inspecteurs de l'IGAS chargés de cette mission (Gilles Duhamel, Etienne Grass et Aquilino Morelle) ont maintenant rendu leurs propositions. Ils recommandent aux pouvoirs publics d' «inscrire dans la loi une disposition indiquant clairement l'interdiction, pour une entreprise pharmaceutique, de conduire tout contact personnalisé et toute démarche directe ou indirecte d'information, de formation ou d'éducation à destination du public relative à un médicament prescrit».
Double nécessité.
Cela revient en fait, pour l'IGAS, à «consacrer le principe de l'interdiction de tout contact» entre laboratoires pharmaceutiques et public, qui sous-tend déjà la règlementation en matière de publi- cité sur les médicaments. Ce principe est fondé sur une «double nécessité», souligne l'Inspection générale. D'une part, il faut «préserver le patient de tout contact de nature promotionnelle» et, d'autre part, il convient de ne pas interférer dans le colloque singulier entre le patient et le praticien choisi par lui, ni dans «la responsabilité professionnelle qui s'y rattache».
Cependant, le rapport n'exclut pas «la possibilité, dans des conditions précisément définies, d'autoriser certains programmes “d'apprentissage” répondant à des critères stricts». Ces programmes peuvent être justifiés par un «bénéfice collectif» (campagnes vaccinales) ou un «bénéfice particulier pour une personne ou un groupe de personnes» en raison de la «complexité particulière de l'utilisation du médicament» ou de la «présence d'un intérêt thérapeutique» spécifique.
Quant aux institutions sanitaires susceptibles de conduire la procédure d'autorisation de ces programmes, l'IGAS propose deux pistes au choix du ministre de tutelle. Soit l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) «pourrait être confirmée dans son rôle de maître d'oeuvre de la procédure dérogatoire», soit la HAS s'en chargerait, à condition qu'on lui transfère les prérogatives, les attributions et les moyens administratifs dévolus aujourd'hui à la commission de la publicité de l'AFSSAPS.
Anticipant «l'émergence de nouveaux opérateurs en santé» dans les prochaines années pour ce genre de programmes, le rapport énumère les «garanties» qu'ils devront apporter. Il dresse donc une première liste de critères de compétence, d'indépendance, de moyens, de capacité de réalisation, de qualité de la prestation.
Un fossé entre la France et l'Europe .
Enfin, l'ultime recommandation de l'IGAS consiste à «faire valoir la position française auprès de la Commission européenne». Or, jusqu'à présent, celle-ci est loin d'être sur la même longueur d'onde que la France. Le rapport rappelle à cet égard que la Commission européenne «n'a de cesse de militer activement en faveur de cette possibilité de contact» patient-industrie.
La Commission de Bruxelles a tenté en 2001 de légaliser la publicité directe aux consommateurs de médicaments et fait toujours plancher un groupe de travail consacré à l' «information-patient» dans le cadre du Forum pharmaceutique européen. L'encadrement réglementaire à la française des programmes d'accompagnement des patients, tel que le préconise l'IGAS, devra donc braver un vent contraire en provenance de Bruxelles.
Rapport en ligne à l'adresse suivante : http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000049/0000.pdf.
Les programmes autorisés par l'AFSSAPS
Depuis 2003, la commission de contrôle de la publicité de l'AFSSAPS a reçu 18 demandes de programmes d'accompagnement des patients de la part de laboratoires pharmaceutiques.
Sur les 15 demandes déjà traitées, sept ont reçu son feu vert. «La plupart des demandes se rattachent à un produit», note l'IGAS dans son rapport. Les pathologies concernées par les programmes autorisés étaient : la sclérose en plaques (trois programmes), l'hypertension artérielle (2), l'ostéoropose (1), le surpoids (1). De plus en plus, les programmes proposés touchent à la gestion des maladies chronique ou « disease management ».
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