LE DÉCRET parfois appelé « Sunshine act à la française », paru le 22 mai, a mis en musique le volet de la loi Bertrand de décembre 2011 sur la transparence des liens éventuels entre médecins ou associations et industriels. Les laboratoires doivent ainsi rendre publics les conventions et les avantages accordés aux professionnels, étudiants, établissements, associations de patients. Mais le décret écarte les montants versés aux professionnels en contrepartie des travaux effectués pour le compte des entreprises (contrats de recherche, essais cliniques...). « On pourra savoir le prix d’un billet d’avion offert à un praticien pour se rendre à un congrès mais pas les sommes versées en contrepartie de la présentation qu’il y fera », peste l’Ordre, qui dénonce lui-même une vision « fausse, confuse et tronquée », au nom du secret des affaires.
Depuis octobre en tout cas, le CNOM a mis en ligne, en bonne place sur son site, une moisson spectaculaire de chiffres. Le nom de milliers de médecins apparaît ayant reçu, l’un 37 euros pour un déjeuner, l’autre 93 euros pour des frais de transport, le troisième 300 euros de frais d’inscription à une réunion scientifique...
• Un travail de bénédictin
Le Dr François Rousselot, en charge de ce dossier au Conseil national de l’Ordre (CNOM), précise que la procédure a nécessité l’embauche de... six personnes, et qu’une part significative des salariés du service informatique (qui comprend 15 à 20 personnes) travaille exclusivement à cette tâche !
En l’absence d’indications précises du décret, l’Ordre a choisi de permettre la consultation à partir du nom d’un médecin, et non à partir d’un laboratoire. En tapant ce nom, apparaissent les informations sur le professionnel (qualité, spécialité), son adresse, l’avantage perçu (avec le montant et la nature de cet avantage uniquement s’il s’agit de restauration, réception, transport...), la simple mention d’une éventuelle convention (de recherche, contrat d’orateur ou de conseil ou communication médico-scientifique mais dans ce cas sans l’objet ni la rémunération).
• Des renseignements parfois inutilisables
« Dans la semaine qui a suivi la parution du décret, précise le Dr Rousselot, les industriels ont commencé à nous envoyer des données, mais elles étaient très majoritairement inexploitables ». Fiches non datées, sans spécification de lieu ni de motif, formats informatiques incompatibles, le CNOM a dû réagir en mettant en place un format unique de transmission des données à destination des industriels. Au 1er octobre, explique-t-il, « environ 400 industriels (sur 1 500 à 2 000 concernés) avaient envoyé leurs données, mais seule une centaine avait fourni des renseignements exploitables ». Du coup, l’Ordre a mis en ligne au 1er octobre toutes les données fournies, mais en deux rubriques distinctes : données exploitables et non exploitables.
Au 15 octobre, l’Ordre a actualisé le site. « 200 nouveaux industriels nous ont envoyé leurs données, continue François Rousselot, qui se révèlent complètes dans un cas sur deux ».
• Très peu de réclamations des médecins
Cette mise en ligne tant annoncée n’a pas déclenché de mouvements d’humeur, ni chez les industriels, ni chez les médecins. « Nous avons reçu pour l’instant une quinzaine d’appels de praticiens contestant les informations affichées », calcule le Dr Rousselot. Côté laboratoires, seuls deux se sont manifestés, pour se plaindre d’avoir été relégués dans la liste des informations non exploitables.
• Quels risques pour les non déclarants ?
Les textes prévoient des peines dissuasives allant de l’amende lourde à l’interdiction d’exercer la profession pour les responsables des laboratoires. Mais le dispositif démarre à peine et l’Ordre juge peu probable que la machine à sanction se mette en marche rapidement. Environ un millier de laboratoires (la liste est impossible à établir, certaines entreprises n’appartenant ni au LEEM ni au SNITEM) n’a fourni à ce jour aucune donnée. « Parmi eux, avance François Rousselot, il y a quelques grosses entreprises ».
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