N'IMPORTE quel citoyen pouvait se dire, en lisant la proposition de M. Rocard vendredi matin, qu'elle était de nature à infliger à M. Sarkozy une défaite dès le premier tour. Mais il n'a pas fallu dix minutes pour que François Hollande, interrogé par l'AFP, déclare : «Il n'y a pas d'alliance concevable entre la gauche et une partie de la droite.» Alors que Ségolène Royal, qui voyageait en province, refusait de se prononcer sur un texte qu'elle n'avait pas lu, Jack Lang, à son tour, rejetait l'idée de M. Rocard. N'importe quel citoyen pouvait se dire alors que le Parti socialiste venait de signer sa défaite.
L'hypothèse pessimiste.
En effet, dans tout pronostic, il vaut mieux travailler sur l'hypothèse la plus pessimiste. Pour la gauche, quelle est-elle ? Que Mme Royal, incapable, à cause de M. Bayrou, de réunir plus de 25 % des voix au premier tour, sera inéluctablement battue au second. De ce point de vue, M. Sarkozy a bien du mal à cacher son bonheur. Les socialistes devraient en tirer la leçon. Indiquons entre parenthèses que ce qui convainc M. Rocard, ce sont les sondages, décriés par tous, mais qui n'en nourrissent pas moins la pensée politique.
Dans la tribune libre qu'il publie dans « le Monde », M. Rocard estime que «rien ne sépare plus les sociaux-démocrates et les démocrates-sociaux, les socialistes et les centristes». Il se garde bien d'imaginer que l'UDF et le PS se mettent d'accord avant le premier tour sur un programme de gouvernement et un partage des responsabilités ; il propose qu'ils concluent l'accord et qu'ils forment ensuite une coalition selon leur score respectif. C'est bien vu, car, s'il y a une chance que Mme Royal donne suite à la proposition de M. Rocard, elle et M. Bayrou auront très peu de temps pour passer leur marché.
M. Rocard a raison de croire qu'une coalition PS-UDF conviendrait à beaucoup de Français. Il ne cache pas l'aversion que M. Sarkozy lui inspire ; et il s'attend, en cas de victoire du candidat de la droite, à un «gâchis social dont la majorité des Français ne veut pas». Phrase imprudente : si la majorité ne veut pas de Nicolas Sarkozy, il lui suffit de se prononcer dans ce sens dimanche prochain . M. Sarkozy ne sera pas élu par la grâce de Dieu et contre la volonté du peuple.
Stratégiquement, l'idée de M. Rocard est néanmoins excellente, et il n'est pas sûr que la base socialiste ne pèsera pas sur l'appareil du parti pour qu'il laisse Mme Royal explorer cette voie. Bien entendu, elle devra, pour envisager une alliance, renoncer à quelques dépenses sociales. Donc, à trouver d'autres voies pour le financement de son action. Mais, en termes d'arithmétique politique, l'alliance Royal-Bayrou et le report d'une partie des voix de l'extrême gauche lui permettraient de triompher de son adversaire principal.
Serait-ce une trahison ? C'est ce que diront assurément les candidats de l'extrême gauche et les Verts. Encore faudrait que M. Schivardi ou M. Besancenot consentent à dire dès aujourd'hui qu'ils demandent à leurs électeurs de voter Royal au second tour. Mme Royal a dénoncé une « droite dure », elle ferait bien de méditer sur la gauche divisée et masochiste qu'elle est censée diriger. Parmi les candidats de gauche ou d'extrême gauche, il n'y en pas un seul, à part elle, qui espère ou même souhaite gouverner ; tous sont logés à l'enseigne du vote protestataire ou à la « candidature de témoignage », concept réservé aux radoteurs. S'il y a des électeurs heureux de les entendre, ils n'auront jamais que ce bonheur-là : s'ils votent pour eux, leur vie ne changera pas.
François Bayrou, en revanche, s'est bruyamment félicité de la proposition de Michel Rocard qui, effectivement, est de nature à confirmer l'analyse du candidat centriste. Si l'ancien Premier ministre peut concevoir une telle alliance, cela signifie que M. Bayrou a suffisamment chamboulé le paysage politique pour faire valoir une politique qui serait acceptée par beaucoup de Français, ce qui se traduirait par une tranquillité sociale que M. Sarkozy, lui, aurait un mal fou à obtenir ; et pour qu'une coalition se forme autour d'idées sociales-démocrates.
L'APPAREIL DU PS EST MASOCHISTE.EN REJETANT L'IDEE DE ROCARD IL A PEUT-ETRE SIGNE SA DEFAITE
Non à la proportionnelle.
Le projet de M. Rocard, s'il était appliqué, accentuerait le courant « tout sauf Sarkozy » qu'alimentent les gauches, et qui trouve un écho chez beaucoup d'électeurs sincèrement inquiets de la dérive droitière du candidat de l'UMP. Quand, jeudi dernier, Brice Hortefeux, l'un des principaux lieutenants de M. Sarkozy, a envisagé l'introduction d'un dose de proportionnelle (environ 10 % des sièges) pour les élections des deux chambres, il a fait aux électeurs du Front national un clin d'oeil qui n'aura échappé à personne. Il y a, dans cette idée, de quoi lasser pas mal de partisans de M. Sarkozy. Car il ne s'agit plus, cette fois, de prendre des voix au FN, mais de laisser ses électeurs espérer qu'ils seront représentés au Parlement. C'est un projet funeste qui renvoie à la Quatrième République bien plus qu'il ne prépare la Sixième et risque de rendre la France ingouvernable. Xavier Bertrand, porte-parole de M. Sarkozy, a aussitôt affirmé qu'aucun projet de ce genre n'était à l'étude et que M. Hortefeux n'avait fait qu'exprimer une opinion. On en prend acte. Mais la proportionnelle est un danger assez sérieux pour qu'un électeur change de candidat.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature