« Le constructeur », comme chacun ici l'appelle, a ébloui autrefois une petite fille de douze ans, qui, dix ans plus tard, fait irruption chez lui, au mépris de toute convenance. Hilde Wangel (Chloé Réjon) sait-elle ce qu'obscurément elle appelle de toutes ses forces ? La chute, la mort de Solness depuis la tour vertigineuse qu'il a lui-même édifiée ? L'appel de l'idéal est ici contrarié par ce que Solness lui-même désigne comme le troll qui est en chacun, le démon intérieur qui est la négativité, la pulsion de mort.
Le constructeur est-il fou, ainsi qu'il ne cesse de le répéter ? Qu'en pensent son assistant Knut (Georges Ser), le jeune Ragnar, fils d'un rival (Jean-Edouard Bodziak) et le médecin, le docteur Herdal (Laurent Rey) ? Ici, on n'est certain d'aucune pensée... Mais on doit deviner le processus de destruction partout au travail.
Dans un décor froid de Jacques Gabel, Sandrine Anglade qui a cru bon de signer une nouvelle adaptation avec Hélène Hervieu échoue à mettre en scène avec finesse cette pièce magnifique.
Face à face et debout, ne sachant que faire de leurs corps, Solness et Hilde. Bras ballants, n'ayant aucune possibilité de s'appuyer sur un élément scénique ou leurs costumes disgracieux (Jérôme Kaplan), les comédiens sont abandonnés à eux-mêmes. C'est terriblement cruel. Pourtant, quels grands interprètes ! Chloé Réjon, frémissante et inquiétante, Tcheky Karyo, que l'on n'avait pas vu au théâtre depuis des années, puissant et vulnérable à la fois, ont tout pour incarner ces personnages complexes. Mais on ne peut pas les laisser sans aucune direction. C'est un grand gâchis. Mais la pièce vaut d'être vue, revue et les acteurs - Laurence Masliah et Laurent Rey aussi - méritent mille fois d'être chaleureusement applaudis.
Théâtre de l'Athénée-Louis Jouvet, à 19 heures le mardi, 20 heures, du mercredi au samedi, 16 heures dimanche. Durée : 2 heures sans entracte (01.53.05.19.19). Jusqu'au 5 décembre. Le texte de la pièce a été publié par L'Avant-Scène théâtre (10 euros).
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