Les organisations américaines qui défendent les droits civiques n'ont pas manqué d'exprimer leur inquiétude face aux diverses mesures de sécurité que le gouvernement américain a été amené à prendre et qui seront renforcées chaque jour. Elles réclament le maintien de toutes les dispositions constitutionnelles malgré la crise.
On connaît leur raisonnement et il n'est sûrement pas sans valeur : si le gouvernement américain porte atteinte aux libertés, il se comporte comme le souhaitent les terroristes. Mais le problème n'est pas si simple. Le premier de tous les droits, c'est le droit à la vie. Un gouvernement est responsable de la sécurité des citoyens (et celui des Etats-Unis a gravement failli lorsqu'il a été incapable de prévenir les attentats du 11 septembre). Il doit leur permettre de vaquer à leurs affaires et notamment de voyager, sans qu'ils aient peur de mourir dans l'instant qui suit.
Un certain nombre de pilotes de ligne américains ont refusé de laisser des passagers portant des noms de consonance arabe monter à bord. Il s'agit sans nul doute d'une atteinte inacceptable à leurs libertés et d'un acte de discrimination sans précédent à leur égard, surtout s'ils sont innocents, comme c'est infiniment probable. Il se trouve que le commandant de bord a le dernier mot en ce qui concerne ses passagers et sa cargaison. Il peut, à loisir, selon les règlements internationaux, accepter ou non que certains passagers embarquent dans son appareil.
Mesures pour tous
Bien entendu, on ne peut pas s'en remettre à ce pouvoir absolu pour régler le problème. On imagine déjà que les huit millions d'Arabo-Musulmans qui vivent aux Etats-Unis se sentent harcelés et soumis à la suspicion générale. Il faut donc que le président Bush obtienne l'accord du Congrès pour normaliser le voyage aérien et les mesures de sécurité, lesquelles doivent d'ailleurs s'appliquer à tous les passagers et pas seulement à une catégorie de voyageurs. De toute façon, les réseaux terroristes auraient tôt fait de trouver la parade, par exemple en établissant de faux passeports avec des noms anglais pour les kamikazes et même, s'il le faut, en les grimant, pour qu'ils aient l'air européen.
La question de la sécurité des transports aux Etats-Unis et en Europe est d'autant plus aiguë que le FBI affirme qu'il y a encore des réseaux dits « dormants » aux Etats-Unis. Les personnes qui ont été interpellées et font l'objet de sérieux soupçons risquent d'être libérées bientôt parce que le FBI ne peut pas réunir contre elles toutes les preuves requises par une procédure judiciaire tenue de respecter les articles de la Constitution et ses amendements. Il est probable que beaucoup des individus arrêtés seront remis en liberté, quitte à ce que la police exerce sur eux une surveillance permanente. Ce qui est sûr, c'est que les Américains ne peuvent pas attendre que de nouveaux attentats se produisent. Avant même d'aller chercher en Afghanistan les présumés coupables, ils doivent s'assurer que la vie redevient tout à fait normale sur leur territoire.
C'est même une question de survie. De nouveaux attentats achèveraient une économie chancelante : il n'y a pas d'échanges commerciaux, de marchés boursiers, de développement économique dans un climat de peur. Nous-mêmes en Europe devons nous en persuader et nous inspirer des mesures de sécurité prises par les Israéliens pour le voyage aérien, traquer d'éventuels terroristes dans les milieux où ils prospèrent et faire comprendre à ces milieux que eux aussi doivent choisir entre la société à laquelle ils appartiennent et des criminels qui rêvent d'abattre la même société.
Miser sur la prévention
Les mesures de prévention sont les meilleures et les plus efficaces. Elles n'impliquent aucune aventure militaire à l'étranger, elles peuvent rallier toutes les composantes de la communauté nationale (après tout, aucun voyageur euro-arabe ou américano-arabe n'a envie d'être la victime d'un terrorisme aveugle qui ne l'épargnera pas davantage que les autres) ; elles mettront en échec les tentatives de détournement d'avion sans déclencher de crise diplomatique. Et pour éviter toute discrimination, il suffit de loger tous les voyageurs à la même enseigne.
Mais il faut faire vite. Rien ne nous dit que les terroristes ne sont pas déjà à l'uvre pour un nouvel attentat spectaculaire en Europe ou aux Etats-Unis. Rien ne nous dit que des attentats ne vont pas être commis contre des objectifs qui n'ont rien à voir avec le transport aérien. Nous ne pouvons donc pas nous dispenser d'une extrême vigilance si nous voulons empêcher la répétition des atrocités qui ont endeuillé l'Amérique. C'est une question de patience, de priorités (le droit à la vie avant le droit tout court) et de consensus : toute société peut modifier ses lois provisoirement pour combattre un danger.
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