DANS SON PREMIER NUMÉRO de l'année 2007, la « Revue française des affaires sociales » (1) analyse les nouveaux enjeux auxquels est confrontée la médecine de ville en France au regard, notamment, des implications de la réforme du médecin traitant.
Premier constat : la plupart des piliers « historiques » de la pratique libérale, posés en 1927 dans la charte de la médecine libérale (paiement de l'acte par le patient, liberté de fixation des prix, liberté totale des prescriptions, respect du secret médical, libre choix du médecin par le patient) ont été écornés depuis longtemps. Les tarifs négociés dans le cadre conventionnel ont remplacé la libre entente sur les prix, et la liberté de prescription semble de plus en plus encadrée par l'assurance-maladie (accords de maîtrise, objectifs de prescriptions désormais déclinés individuellement, analyse des profils d'activité des prescripteurs, entretiens confraternels des médecins conseils, visites des délégués de l'assurance-maladie...).
Quant à la liberté de choix du praticien par le patient, elle est partiellement contestée par la désignation d'un médecin traitant gate-keeper orientant le patient au sein de parcours de soins coordonnés ; même si, sur le papier, l'assuré peut changer à tout moment de médecin traitant et que l'accès libre au spécialiste reste possible. Même le caractère «absolu» du secret médical, autre dogme de la médecine libérale, serait «amendé» par la généralisation du futur dossier médical personnel (DMP) et les systèmes de partage de l'information médicale (dans les cabinets de groupe, par exemple).
Finalement, seuls deux fondements de la médecine libérale «échap-pent» encore à cette remise en cause, selon la même étude : le paiement à l'acte et la liberté d'installation. Mais pas forcément pour très longtemps.
Mixité.
«Singularité française», la rémunération à l'acte quasi exclusive en médecine de ville ne serait guère conciliable, à terme, avec les objectifs du médecin traitant. L'un d'entre eux, lit-on, «est de mieux contrôler les coûts de traitement des patients». Or le paiement à l'acte peut influencer l'activité du prescripteur en suscitant «des comportements de fidélisation» inflationnistes (délivrance d'arrêts de travail par exemple). Dès lors, conclut l'étude, la nécessité de réduire les coûts de traitement (de même que la reconnaissance des missions de coordination du médecin traitant) «militent pour un mode de rémunération mixte devenu par ailleurs le modèle dominant européen». Un schéma à peine esquissé dans notre pays avec le forfait annuel ALD pour le médecin traitant.
Quant à la liberté totale d'installation, elle fait l'objet, depuis quelques années, de débats récurrents, en même temps que croissent les disparités territoriales de l'offre de soins : césure Nord/Sud, émergence de déserts médicaux dans certaines spécialités. Une situation qui risque d'empirer, les effectifs de médecins devant chuter d'environ 10 % à l'horizon 2025. Pour l'instant, les pouvoirs publics ont fait le choix de dispositions incitatives pour l'installa- tion dans les zones sous-médicalisées (aides conventionnelles, fiscales, exonérations, primes). Mais, souligne l'étude, la littérature internationale «relativise l'efficacité des mesures d'incitations financières». En France aussi, les travaux de l'Ordre ou de l'Observatoire de la démographie des professions de santé montrent que le choix des cantons d'installation dépend des «conditions de vie», du «niveau d'équipement», du «contexte démographique et socio-économique» ou encore des ressources humaines et technologiques, plutôt que «des raisons purement financières». Dès lors, la remise en cause de la liberté d'installation peut apparaître comme une «alternative,au moins dans certaines conditions, comme cela est déjà le cas dans de nombreux pays d'Europe».
A cet égard, l'avenant n° 20 à la convention, publié en mars 2007, manie la carotte et le bâton : il prévoit de majorer de 20 % les honoraires (C+V) pour les médecins s'installant en zone sous-médicalisée et choisissant un mode d'exercice en groupe ; mais un bilan de ce dispositif sera réalisé au premier trimestre 2009 avant d'éventuelles «mesures d'ajustement» ou de «régulation» pour les nouveaux médecins installés.
Réforme du « médecin traitant » et nouveaux enjeux de la médecine de ville en France. « Revue française des affaires sociales ». www.ladocumentationfrançaise.fr.
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