Agé de 92 ans, Maurice Papon, souffre, selon ses médecins, d'une « pathologie cardio-vasculaire sévère et invalidante ». Sur la base de ces conclusions, les avocats du condamné ont demandé sa libération, sans interrompre la procédure qu'ils ont lancée auprès de la Cour de justice européenne.
Le déni, l'arrogance et le mépris
Le parquet général de la Cour d'appel a rejeté la demande des avocats au motif que « la remise en liberté serait de nature à susciter et à réactiver un trouble exceptionnel de l'ordre public ». La Cour tranchera le 18 septembre.
Papon est en prison depuis octobre 1999. Il a donc purgé trois des dix ans de réclusion auxquels il a été condamné. Ses avocats affirment que la loi ne mentionne pas « l'ordre public » en tant qu'argument propre à empêcher une remise en liberté. Qu'ils aient raison ou non n'est pas le problème : le parquet estime que, si Papon sortait de prison, l'opinion s'en indignerait et que son indignation serait alimentée par les virulentes protestations des parties civiles qui, à juste titre, ne se lassent pas de rappeler que l'ancien secrétaire général de la préfecture de Bordeaux est responsable de la mort de 1 600 juifs.
Papon n'a jamais reconnu cette responsabilité, n'a jamais eu un mot de regret et a tenté d'échapper à la justice en s'enfuyant en Suisse. Il ne mérite aucune indulgence, d'une part parce qu'il a agi un jour comme un bureaucrate dépourvu de la plus élémentaire des compassions pour son prochain - ce qui ne l'empêcha pas ensuite de faire une brillante carrière ; et d'autre part parce qu'il a appuyé sa défense sur le déni, l'arrogance, et même le mépris de ses victimes. Un peu comme si, pour mieux se laver du crime, il niait qu'il eût été jamais commis.
Acharnement judiciaire
Cependant, et même si les lignes qui suivent risquent de choquer les familles des victimes, l'acharnement judiciaire contre un homme de cet âge risque de paraître excessif. Papon a été condamné, la nature de ses actes a été judiciairement reconnue, la peine a été prononcée, il ne recouvrera jamais son honneur. Si l'exercice de la justice est contenu dans le châtiment, la prolongation de la peine au-delà des forces physiques du condamné et au-delà d'un âge que peu de gens atteignent peut apparaître comme la manifestation de la simple vengeance.
La notion de vengeance ne nous fait pas horreur : dans une société qui encourage les thérapies liées à la mémoire, la vengeance peut être considérée comme un remède. Mais, décriée souvent par les rescapés de la Shoa, elle n'est pas nécessairement ce que les victimes auraient demandé. L'essentiel, en matière de justice, n'est pas de faire souffrir le criminel en quantité suffisante pour qu'il rachète ses fautes : on se rapprocherait alors de la torture. L'essentiel, c'est que le crime de Papon soit stigmatisé et que ceux qui ont perdu la vie à cause de lui ne soient pas considérés comme les victimes d'une catastrophe naturelle mais bien celles d'un criminel. Libre ou non, Papon, de toute façon, est brisé.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature