Au mois de mai dernier, l’Urcam (union régionale des caisses d’assurance-maladie) et l’ARH (agence régionale de l’hospitalisation) de Picardie avaient mis en place une campagne de communication visant le grand public sur le bon usage du 15. Destinée à préfigurer la campagne nationale voulue par Xavier Bertrand sur le même thème (et qui, selon le cabinet du ministre de la Santé, aura lieu au premier trimestre 2007), celle de Picardie avait mis l’accent sur les services rendus par le 15, numéro d’appel dévolu à toutes les urgences et aux problèmes de santé exigeant une réponse immédiate.
Conformément à ce qui avait été décidé par l’ARH et l’Urcam, la seconde partie de la campagne picarde de communication s’est déroulée cet automne sur le thème du 15 qui doit être «réservé aux appels concernant des problèmes de santé qui ne peuvent absolument pas attendre l’ouverture des cabinets médicaux». La deuxième vague de la campagne de sensibilisation a pris la forme d’affiches disposées dans les cabinets médicaux et de documents explicatifs sur l’usage du 15, remis aux patients.
Car le temps presse : rien que dans le département de la Somme, le centre 15 a enregistré une augmentation de 14 % des appels reçus entre 2004 et 2005. Parmi ces appels, une bonne partie ne relevait ni de la PDS ni de l’urgence, mais concernait un renouvellement d’ordonnance, un certificat médical ou un oubli de vaccination. Et parmi les appels réellement transmis au médecin régulateur, 15 % ont donné lieu à un conseil médical, 24 % ont été orientés vers un médecin de garde, le reste relevant vraiment de l’urgence.
Le problème dépasse le cadre régional pour toucher la France entière. A telle enseigne que, il y a peu, le syndicat MG-France lançait un appel pour la création d’un numéro d’appel spécifique pour la PDS, le 33.33. Selon MG-France, les standards du 15 souffriraient en effet d’un engorgement dû aux appels de PDS, avec tous les risques de blocage du système en cas de pic épidémique que cette asphyxie suppose. Sans compter la lourde responsabilité qui repose sur les épaules des permanenciers du 15 qui doivent très vite faire le tri entre les appels inutiles et ceux relevant de la PDS ou de l’urgence. D’autant, rappelle MG-France, qu’un certain nombre de centres 15 possèdent déjà un numéro public et médiatisé, distinct du 15, pour les demandes ne relevant pas de l’urgence vitale.
A MG-France, le Dr Pascal Menguy, délégué régional de Champagne-Ardenne, persiste et signe : «Même avec un numéro d’appel spécifique pour les appels relevant de la PDS, rien n’empêche les deux standards de se trouver sous le même toit. Mais ce numéro d’appel distinct permettrait au moins de faire déjà le tri entre les appels urgents et les autres.» Le Dr Menguy rappelle que ce système fonctionne déjà dans plusieurs départements français, comme le Pas-de-Calais ou les Landes, et conclut : «Cela permettrait en plus au Samu-centre15 de se reconcentrer sur sa mission première, à savoir le traitement des urgences vitales.»
Initiatives des départements.
Effectivement, quelques départements ont bien mis en place un numéro d’appel distinct du 15, tout comme l’a fait SOS-Médecins, avec son numéro d’appel national, le 08.20.33.24.24, mis en service en 2005 en complément de ses numéros d’appels locaux. Cette possibilité est d’ailleurs prévue par un décret du 7 avril 2005 qui précise que «l’accès au médecin de permanence peut également être assuré par les centres d’appels des associations de permanence des soins, si ceux-ci sont interconnectés avec le Samu. Les modalités de l’interconnexion sont définies par une convention conclue entre l’établissement hospitalier où est situé le Samu et l’association de permanence des soins».
Décret ou pas, cette proposition de MG-France fait bondir le Dr Patrick Pelloux, président de l’Amuf (Association des médecins urgentistes de France) : «C’est une proposition complètement stupide», indique-t-il tout de go. Pour Patrick Pelloux, «les médecins libéraux ont tout d’abord voulu faire de la régulation avec nous dans les centres15, et on a accepté. Après, ils ont demandé à être payés, on a accepté. Ensuite, ils ont voulu, et obtenu, de remettre à plat l’organisation de la PDS en nous refilant le dossier après minuit et, maintenant, ils veulent leur propre numéro d’appel: c’est non!» Quant à l’argument de MG-France pour qui la mise en place du nouveau numéro d’appel est dictée par le risque d’asphyxie du 15, Patrick Pelloux le balaie d’un revers de main : «Les quelques centres15 qui sont embouteillés au niveau des appels le sont parce que le personnel y est en nombre insuffisant. MG-France ferait mieux de nous aider dans notre projet de valorisation du métier de permanencier.» Plus généralement, Patrick Pelloux regrette que MG-France ne comprenne pas qu’il s’agit «d’argent public. Et alors qu’ils savent pertinemment qu’il y a des déficits, ils veulent dépenser plus. Je refuse l’idée du 33.33».
Pour Patrick Pelloux, au moment où «on nous casse notre statut de PH [praticien hospitalier] , au moment où on révise les règles du temps de travail à l’hôpital, ce projet de MG-France, c’est lagoutte d’eau qui fait déborder le vase».
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