Notre compréhension des mécanismes conduisant à la formation de métastases à partir d'une tumeur primaire progresse grâce aux travaux d'une équipe de chercheurs suisses (institut Friedrich Miescher, Bâle). Staller et coll. ont, en effet, réussi à trouver le lien entre l'activité d'un suppresseur du tumeur, dont la mutation est associée au développement de cancers métastasés (pVHL pour « von Hippel-Lindau protein »), et la formation des métastases : Ce lien est constitué par la production d'une des protéines qui permettent aux cellules de s'adapter à l'hypoxie : le récepteur CXCR4. La synthèse de ce récepteur va permettre aux cellules tumorales de migrer hors de la tumeur primaire, vers des sites précis de l'organisme.
La mutation du suppresseur de tumeur pVHL (von Hippel-Lindau) est impliquée dans le développement de cancers de très mauvais pronostic, fréquemment associé à la formation de métastases. Parmi les fonctions de la protéine pVHL, la mieux caractérisée est celle qui l'implique dans la régulation de la concentration intracellulaire d'un facteur de transcription nommé HIF pour « Hypoxia-Inducible Factor ». Lorsque l'oxygène est abondant dans l'environnement des cellules, pVHL dirige la protéine HIF vers une voie de dégradation. La protéine pVHL maintient ainsi au plus bas le niveau du facteur de transcription dans la cellule. En cas d'hypoxie, pVHL n'est plus capable de tenir ce rôle. Le facteur HIF s'accumule alors dans les cellules et active la transcription de gènes codant pour des protéines qui permettent aux cellules de s'adapter à la carence en oxygène. Lorsque pVHL est inactivée par une mutation, les gènes de l'hypoxie sont en permanence activés, quelles que soient les conditions d'oxygénation.
Un gène surexprimé en l'absence de pVHL
Pour comprendre le rôle de pVHL dans la tumorigenèse, Staller et coll. ont recherché des gènes dont l'expression est particulièrement altérée dans les cellules incapables d'exprimer une version fonctionnelle de ce suppresseur de tumeur. En utilisant des puces à ADN, ils ont pu mettre en évidence un gène très fortement surexprimé en l'absence de pVHL. Ce gène code pour un récepteur cellulaire nommé CXCR4. Ce récepteur fixe des chimiokines (des protéines sécrétées qu'il est possible d'apparenter à des facteurs de croissance). Lorsque des chimiokines se fixent à la surface de cellules mobiles, ces cellules vont se déplacer dans l'organisme pour atteindre la source produisant lesdites chimiokines.
Staller et coll. ont ensuite recherché comment pVHL intervenait dans la régulation de la synthèse de CXCR4. Et, comme ils s'y attendaient, ils ont pu prouver que c'est par l'intermédiaire du facteur de transcription HIF que cette régulation s'opère. Ainsi, en présence d'oxygène et d'une version fonctionnelle de pVHL, HIF est pratiquement absent des cellules et le récepteur CXCR4 n'est pas synthétisé ; mais si l'oxygène vient à manquer et/ou si pVHL est mutée, le facteur de transcription HIF va conduire à la production du récepteur à chimiokines. Les cellules vont alors pouvoir migrer vers une source de chimiokine.
Conduire à la migration des cellules tumorales
Dans des conditions physiologiques (manque d'oxygène, mais pas de mutation de pVHL), ce mécanisme permettrait aux cellules de s'éloigner de la région hypoxique. Mais, ce processus pourrait par ailleurs conduire à la migration des cellules tumorales en dehors de la tumeur primaire et donc à la formation de métastases. C'est certainement ce qui se produit dans les tumeurs qui expriment une version mutée non fonctionnelle de pVHL.
La découverte de Staller et coll. permet en outre de comprendre pourquoi et comment certaines tumeurs primaires vont conduire à la formation de métastases principalement au niveau d'organes spécifiques. Lorsqu'une tumeur agressive augmente rapidement de volume, sa vascularisation devient insuffisante. Les cellules tumorales sont alors en partie privées d'oxygène. Le facteur HIF s'accumule dans les cellules et provoque la synthèse des gènes parmi lesquels des récepteurs à chimiokines. Les cellules tumorales vont alors quitter la tumeur primaire et migrer vers une région particulière de l'organisme dans laquelle est produite la chimiokine associée au récepteur induit par l'hypoxie.
Staller et coll., « Nature » du 18 septembre 2003, pp. 307-311.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature